Ce documentaire, diffusé en 2006 sur France 5, propose une approche qui se veut objective d’un phénomène « aux frontières du surnaturel » : les fantômes. Ainsi, comme l’explique au début de ce reportage le célèbre illusioniste et sceptique, James Randi, il est particulièrement nécessaire dans ce domaine de « regarder les faits en détails ». C’est l’approche qu’essaieront de suivre les journalistes tout au long de leur enquête en alternant le point de vue des « croyants » et des « sceptiques ». Nous allons voir, par le biaisPrésence de patterns ou de défauts particuliers pouvant introduire une modification arbitraire des résultats et faussant ainsi leur validité (ex : un dé non équilibré ayant tendance à faire sortir souvent le même chiffre). de deux commentaires concernant ce reportage (dont l’un est de Pascale Catala qui a récemment publié un ouvrage sur ce thème) dans quelle mesure cette entreprise n’atteint que partiellement son objectif.
Nous ne reviendrons pas en détail sur les différents témoignages et « expériences » présentés tout au long du documentaire. Qu’il s’agisse de visions fantomatiques, d’enregistrements audios d’entités « désincarnées », ou d’esprits censés se manifester sous forme d’orbs (1), les explications proposées avec pédagogie par les différents intervenants sont claires. Il s’agit là d’un travail d’information utile et nécessaire étant donné le fait que de nombreuses personnes interprètent de façon erronée des phénomènes comme étant « paranormaux ». Cette approche pédagogique rejoint d’ailleurs les préoccupations de l’IMI et une partie de son travail d’information dans le cadre de sa mission d’intérêt public.
Mais, progressivement, cet aspect pédagogique laisse malheureusement la place à une approche pseudo-sceptique qui se distingue par son manque de neutralité et d’objectivité. Que des phénomènes tout à fait normaux soient interprétés à tort comme paranormaux est un fait. Mais laisser penser que l’ensemble des données accumulées en parapsychologieEtude rationnelle et pluridisciplinaire des faits semblant inexplicables dans l'état actuel de nos connaissances, et mettant en jeu directement le psychisme et son interaction avec l'environnement. C'est en 1889 que l'Allemand Max DESSOIR proposa les termes de parapsychologie pour "caractériser toute une région frontière encore inconnue qui sépare les états psychologiques habituels des états pathologiques", et de paraphysique pour désigner des phénomènes objectifs qui paraissent échapper aux lois de la physique classique. On parle plus spécifiquement de parapsychologie expérimentale pour désigner la parapsychologie dans le cadre du laboratoire. soit réductible à cette même explication n’est pas pertinent. Et c’est pourtant bien la thèse qui se dessine progressivement au fil de ce reportage.
Or, qui serait tenté d’aller voir plus loin ? En effet, pourquoi ne pas faire confiance à ces chercheurs qui proposent des explications si limpides ? Finalement, n’est-il pas évident que les phénomènes paranormaux sont expliqués et que ceux qui s’interrogent encore sur leur degré de réalité évoluent dans le registre de la croyance ?
Ce type d’approche, que l’on retrouve fréquemment dans certains discours et ouvrages « sceptiques », fonctionne sur la méconnaissance et l’omission – espérons-le, involontaire – du corpus de données qui légitime une interrogation raisonnée sur ce sujet. Malheureusement, rare sont ceux qui iront voir plus loin car la démarche proposée est séduisante et les sceptiques y sont rompus : respect de la parole du « croyant » (dans le meilleur des cas), observation de ce qu’il rapporte et explication du phénomène. Il s’agit d’une ouverture et d’une objectivité de surface qui laissent de côté tout fait pouvant mettre en péril cette belle entreprise de rationalisation. La réalité est autrement plus complexe et les « sceptiques », à l’image de ce reportage, profitent de la méconnaissance du public, et de la communauté scientifique, pour distiller une désinformation dont la principale arme est l’omission.
Car si un certain nombre de parapsychologues – et notamment les membres de l’IMI – pensent que ces phénomènes ne sont pas dans leur ensemble si facilement explicables, c’est qu’il existe d’autres donneés laissées de côté par ce documentaire.
Ainsi, il apparaît tout d’abord manifeste pour celui qui a quelques connaissances concernant le sujet traité, que les scientifiques présentés comme experts dans ce reportage sont connus pour leur position virulente de sceptiques. Le premier, James Randi, prestidigitateur, est très critiqué par plusieurs parapsychologues anglo-saxons – et même par d’autres sceptiques, comme Ray Hyman – pour ses façons de faire, loin d’un scepticisme de qualité (2). Quand à Richard Wiseman, il a récemment été exclu de plusieurs associations de parapsychologieEtude rationnelle et pluridisciplinaire des faits semblant inexplicables dans l'état actuel de nos connaissances, et mettant en jeu directement le psychisme et son interaction avec l'environnement. C'est en 1889 que l'Allemand Max DESSOIR proposa les termes de parapsychologie pour "caractériser toute une région frontière encore inconnue qui sépare les états psychologiques habituels des états pathologiques", et de paraphysique pour désigner des phénomènes objectifs qui paraissent échapper aux lois de la physique classique. On parle plus spécifiquement de parapsychologie expérimentale pour désigner la parapsychologie dans le cadre du laboratoire. suite à des pratiques qualifiées d’anti-scientifiques (3). Toute personne qui étudie en détail la biographie de ces sceptiques en vient nécessairement à s’interroger sur leurs motivations et sur leur objectivité.
Ainsi, l’opposition des argumentations a lieu entre des « croyants » aux fantômes et des sceptiques connus pour leur tendance à ne présenter qu’une partie des faits. Il n’y a alors pas de place pour des scientifiques proposant une approche neutre. A leur place, n’apparaissent comme « défenseurs » du psiThouless et Wiesner ont introduit en 1942 lexpression "Phénomène psi" (et non "psy"), de la lettre grecque Psi, qui se voulait un terme neutre simplement destiné à désigner le "facteur inconnu" dans les expériences de parapsychologie, en opposition avec les communications sensori-motrices habituelles. On utilise ainsi le terme psi comme signifiant de façon générale une communication anormale avec lenvironnement (perceptions extra-sensorielles ou psychokinèse). On utilise fréquemment en parapsychologie les expressions de sujet psi, de perceptions psi et de phénomènes psi. qu’un vieille dame férue de détecteurs de champ éléctromagnétique et un jeune « médium » grand buveur de café! C’est toute la différence d’avec un excellent reportage diffusé sur la BBC, il y a quelques années, et qui proposait alternativement les arguments des sceptiques et des parapsychologues ayant des formations scientifiques.
Ainsi, les interrogations que les journalistes, et que tout chercheur réellement sceptique devraient aborder, auraient dû être les suivantes : tous les cas de poltergeistEnsemble de phénomènes semblant inexplicables, survenant spontanément au sein d'un groupe restreint, et comportant des déplacements inattendus d'objets, des bruits sans cause apparente, des lueurs, des perturbations électriques, etc. Généralement de courte durée, concernant un groupe social restreint, le poltergeist semble souvent se centrer autour d'un adolescent. Contrairement aux hantises, les apparitions y sont rares. sont-ils réductibles aux explications proposées ? Tous les scientifiques ayant travaillé sur ces questions pensent-ils que ces explications sont suffisantes ? Et s’il existe des cas pour lesquels effectivement ces explications ne seraient pas satisfaisantes, peut-on prendre ces cas au sérieux ?
Une telle approche aurait fait office de fondement pour une réelle démarche objective et sceptique. Elle aurait notamment conduit les journalistes à la Parapsychological AssociationLa Parapsychological Association (PA) est une organisation internationale constituée de scientifiques et d'universitaires qui étudient les phénomènes psi, comme la télépathie, la clairvoyance, la psychokinèse, la guérison psychique ou la précognition. La Parapsychological Association est reconnue comme une association scientifique à part entière, étant membre de l'AAAS depuis 1969. C'est le plus important organisme de recherche en parapsychologie. La plupart des parapsychologues sont membre de PA. elle permet de féderer l'ensemble des chercheurs travaillant dans le domaine de la parapsychologie et organise chaque année un congrès où sont publiées les recherches scientifiques des parapsychologues. Elle a pour objectif de promouvoir l'approche scientifique et objective des phénomènes psi et ses membres obeissent à une charte de déontologie. (PA) (4), dont les membres – scientifiques, et universitaires pour la plupart – proposent un abord scientifique de ces questions et sont loin d’avoir conclu à l’inexistence de nombreux phénomènes. Ainsi, il eût été plus intéressant de confronter des argumentations de différents scientifiques reposant sur des expériences en conditions contrôlées. Car selon les membres de PA, certaines manifestations « fantomatiques » et « dites » paranormales, pourraient correspondre à des formes d’interactions entre un individu et son environnement, selon des modalités généralement inconscientes et encore inexpliquées scientifiquement. C’est du moins l’hypothèse qui guide leurs recherches qui, jusqu’à aujourd’hui, ont donné lieu à des résultats qui ne peuvent être balayés d’un revers de main, ou tout simplement ignorés (5).
Il aurait également été intéressant d’aller à Fribourg, en Allemagne, pour discuter avec le parapsychologueCe terme revêt de nos jours un double sens. Utilisé pour désigner les chercheurs de formation scientifique et universitaire qui étudient les phénomènes paranormaux dans le cadre de la parapsychologie scientifique, il renvoie aussi aux praticiens de l'occulte et du paranormal (voyants, médiums, magnétiseurs, etc.). On pourrait souhaiter que la première acception évoquée l'emporte dans le vocabulaire courant pour ainsi éviter toute confusion. L'ambiguïté du terme est volontiers entretenue par les critiques et détracteurs de la parapsychologie scientifique. Ceux-ci tentent ainsi, par un pernicieux effet d'amalgame maintenant une certaine confusion sémantique, de reléguer des recherches se voulant rationnelles sur ces questions en dehors du champ de la science. Des praticiens du paranormal peuvent avoir tendance, eux aussi, à entretenir cette ambiguïté. En se prétendant parapsychologues, ils espèrent sans doute, par la référence scientifique qu'ils s'attribuent, renforcer auprès de leurs clients l'image de professions en manque de reconnaissance sociale. De plus, le peu d'approfondissement que des enquêtes médiatiques trop souvent en mal de sensationnel consacrent à ce type de questions contribue à laisser perdurer la confusion, là où il faudrait au contraire faire preuve de discernement et de prudence. Que pouvons-nous dire des parapsychologues relevant du premier sens envisagé et que nous voudrions privilégier ici? D'origines universitaires variées, les chercheurs amenés à réfléchir aux questions parapsychologiques se recrutent aussi bien parmi des spécialistes des sciences dites humaines (psychologues, ethnologues, sociologues, etc.) que parmi des spécialistes des sciences dites exactes (mathématiciens, physiciens, biologistes, etc.). Des philosophes, des médecins et des ingénieurs se retrouvent également impliqués dans ce domaine de recherche. Seuls quelques laboratoires dans le monde emploient des chercheurs en parapsychologie à temps plein. Compte tenu du peu de place que l'institution scientifique accorde encore à la parapsychologie, la plupart des chercheurs n'y consacrent qu'une partie de leur temps, exerçant par ailleurs des fonctions en lien avec leur formation d'origine. Les premiers grands noms de la parapsychologie furent les pionniers de recherches qualifiées alors de psychiques , ou bien encore de métapsychiques. Parmi les plus connus, on pourrait citer le philosophe américain William James (1842-1910), tenant du pragmatisme, le physicien anglais William Crookes (1829-1919), rendu par ailleurs célèbre par la découverte du thallium, et le Français Charles Richet (1850-1935), prix Nobel de médecine en 1913. Deux psychologues américains ont ensuite particulièrement marqué l'histoire de la parapsychologie durant la seconde moitié du XXème siècle. Joseph Banks Rhine (1925-1980) est considéré comme le père de la parapsychologie quantitative car il a systématisé le traitement statistique des phénomènes paranormaux observés en laboratoire. Plus près de nous, Charles Honorton, en introduisant la technique du ganzfeld et en appliquant les techniques de méta-analyses aux données parapsychologiques, a permis de faire avancer le débat entre partisans et opposants de la parapsychologie. En France, c'est essentiellement autour de l'Institut métapsychique international, fondé en 1919, que se sont regroupés les principaux intellectuels interessés par ces questions. On citera, pour mémoire, les docteurs Gustave Geley (1865-1924) et Eugène Osty (1874-1938) ou bien encore les ingénieurs René Warcollier (1881-1962) et Henri Marcotte (1920-1987). Le spécialiste d'éthologie animale Rémy Chauvin, membre de l'Académie des sciences, est certainement, à l'heure actuelle, le scientifique le plus connu du grand public qui ait ouvertement déclaré son intérêt pour la parapsychologie, par le biais notamment d'expériences réalisées avec des animaux. Ce sont en fait de très nombreux chercheurs (qu'il faudrait certainement compter en milliers), issus de mondes scientifiques et intellectuels très divers, qui se sont passionnés pour la parapsychologie depuis plus d'un siècle, aussi bien en Europe qu'aux États-Unis, comme dans l'ex-URSS ou d'autres pays du monde. Dans son ouvrage "Somnambulisme et médiumnité" et plus particulièrement dans le tome II intitulé "Le Choc des sciences psychiques", le philosophe et sociologue Bertrand Meheust, reprenant l'histoire des débuts de la métapsychique, tente de comprendre les origines de l'incroyable entreprise d'occultation qui a pesé et qui pèse encore sur les travaux de plusieurs générations de parapsychologues. {Par Paul-Louis Rabeyron (extrait du dictionnaire des miracles et de l'extraordinaire chrétien, rédigé sous la direction de Patrick Sbalchiero, Fayard, 2000)} Von Loucadou, et son équipe, qui travaillent depuis plus de 30 ans, au sein d’organismes financés par le gouvernement, dans le but d’aider les personnes à comprendre les expériences qualifiées de paranormales Ce détour germanique aurait permis aux journalistes d’aborder quelques cas de poltergeistEnsemble de phénomènes semblant inexplicables, survenant spontanément au sein d'un groupe restreint, et comportant des déplacements inattendus d'objets, des bruits sans cause apparente, des lueurs, des perturbations électriques, etc. Généralement de courte durée, concernant un groupe social restreint, le poltergeist semble souvent se centrer autour d'un adolescent. Contrairement aux hantises, les apparitions y sont rares. bien documentés comme celui de Rosenheim (6). De la même façon, il aurait été pertinent de ne pas s’arrêter aux caves d’Edimbourg, mais également de visiter l’université pour rencontrer les parapsychologues travaillant au sein de la chaire de parapsychologieEtude rationnelle et pluridisciplinaire des faits semblant inexplicables dans l'état actuel de nos connaissances, et mettant en jeu directement le psychisme et son interaction avec l'environnement. C'est en 1889 que l'Allemand Max DESSOIR proposa les termes de parapsychologie pour "caractériser toute une région frontière encore inconnue qui sépare les états psychologiques habituels des états pathologiques", et de paraphysique pour désigner des phénomènes objectifs qui paraissent échapper aux lois de la physique classique. On parle plus spécifiquement de parapsychologie expérimentale pour désigner la parapsychologie dans le cadre du laboratoire. de cette université (7).
Ce documentaire est donc une bonne illustration de la difficulté qu’ont les journalistes à aborder les phénomènes « dits » paranormaux et les conséquences que cela peut avoir au niveau des représentations du public. L’opposition « croire ou ne pas croire », symbolisée à travers une opposition naïve entre « croyants » et « sceptiques », laisse de côté les réelles questions ouvertes par une étude authentique des phénomènes « dits » paranormaux.
Le travail d’information de ce reportage laisse donc la place à un travail de désinformation auquel les parapsychologues sont malheuresement habitués de la part des médias. Les reportages télévisés, dans leur grande majorité, voguent entre la plaidoirie pour la réalité de phénomènes tous plus abracadabrants les uns que les autres et une reprise sceptique (ou plutôt pseudo-sceptique serait-on tenté de dire étant donné sa dimension partiale) de ces mêmes phénomènes. Entre les deux, il ne reste donc guère de place au vrai doute, celui qui consite à regarder en détail les arguments de chacun, ce que n’ont manifestement pas fait les journalistes qui se sont arrêtés (volontairement ?) aux premiers « experts » rencontrés. Ce n’est certainement pas ce type d’approche qui contribuera, notamment en France, à un débat de qualité sur ces sujets controversés.
Notes
(1) Les orbs sont des points lumineux visibles sur certaines photographies et provenant notamment de l’illumination, par le flash, de grains de poussière situés devant l’objectif de l’appareil.
(2) Pour plus de détails, voir ces trois articles : 1, 2, 3
(3) Voir notamment ces deux articles : 1, 2.
(4) Le site de la Parapsychological Association
(5) Voir à ce sujet l’article « recueil de preuves en faveur du psi » d’Adrian Parker.
(6) Sur ce cas, et bien d’autres, nous conseillons l’ouvrage de Pascale Catala « Apparitions et maisons hantées »
(7) Le site de la Koestler Parapsychology Unit.
Une fois de plus nous avons pu constater dans ce documentaire une erreur de raisonnement commune à propos des fantômes, erreur qui dans notre pays au moins empêche que de véritables études scientifiques puissent se développer. Cette erreur consiste à confondre les faits (étonnants, inhabituels, spécifiques de ce type d’expérience, semblant inexplicables) avec leur interprétation traditionnelle ou ésotérique en termes d’esprits, d’entités maléfiques, et autres revenants fâchés.
Montrer que les histoires d’esprits malins racontées par les protagonistes ne tiennent pas debout ne prouve en aucun cas que les « fantômes n’existent pas ». Du moins les « fantômes » en tant qu’expérience sensorielle anormale.
Pour les journalistes il est en général très difficile de comprendre qu’il puisse exister une anomalie sans qu’il s’agisse nécessairement d’esprits désincarnés. Les documentaires oscillent donc sans cesse entre 2 positions antagonistes, sans possibilité d’alternative :
soit il ne s’est rien passé d’extraordinaire (mensonges, trucages, canulars, etc.)
soit il y a eu intervention de morts désincarnés.
Que des témoins ou occupants d’un logement se plaignent de nuisances inexplicables est un événement relativement fréquent. Il est évident que la première chose à faire est de trouver une explication simple et rationnelle qui permettrait de faire cesser les problèmes. Cependant il existe des cas qui « résistent » et ne trouvent pas d’explication immédiate. C’est à ces cas que les scientifiques spécialistes du sujet (c’est-à-dire les parapsychologues) s’intéressent. Ils s’intéressent également aux autres, ceux par exemple montrés dans ce documentaire, mais ces derniers ne constituent pas leur objet d’étude, puisqu’ils ne sont ni fiables ni sérieusement documentés. Les scientifiques étudient donc d’abord les faits, essaient d’établir qu’il se passe quelque chose d’anormal (ou non), sans adhérer aux interprétations plus ou moins fantaisistes des médiums sur les lieux.
Donc si l’on veut réaliser un documentaire objectif sur les fantômes, il faut, à l’inverse de ce qui a été fait ici :
faire référence à des cas sérieux et documentés, avec des témoins fiables,
interviewer les scientifiques spécialistes de l’étude de ces cas,
ne pas confondre faits et interprétations « folkloriques ».
alors que les cas présentés n’ont aucun support fiable mais sont défendus par des « croyants » soi-disant médiums, et que l’on n’a dans ce documentaire qu’un seul scientifique, le sceptique Wiseman, en tant qu’instigateur d’une expérience isolée.
Le sujet de ce documentaire n’était donc pas vraiment les fantômes mais le démontage (debunking) des histoires plus ou moins farfelues qui y sont liées, ce qui est la spécialité des sceptiques. Comme le souligne le commentaire précédent concernant ce reportage, tout ce qui a été dit par l’illusionniste Randi ou par des spécialistes des trucages n’est pas inutile et relève du bon sens, et peut avoir une action pédagogique sur les personnes promptes à s’emballer pour les histoires paranormales. Cependant, la démarche qui consiste à assimiler les expériences paranormales de type « fantômatique » à des esprits, assimiler les faits et leur interprétation, puis ensuite de nier l’existence d’anomalies en montrant l’inanité des interprétations est une méthode usuelle des sceptiques qui reste très contestable.
Commentaire sur l’expérience de R. Wiseman illustrée dans le reportage :
On pourra se reporter à l’article de R. Wiseman à l’adresse :
http://www.psy.herts.ac.uk/wiseman/research/papers.html
Cette recherche consiste à élaborer des situations qui mettent en évidence une corrélation entre le nombre « d’expériences inhabituelles » et certaines caractéristiques physiques de lieux réputés hantés.
1) Le problème de la Corrélation :
Que certains lieux soient plus ou moins susceptibles d’angoisser ou de donner la chair de poule n’est pas un scoop. Chacun a pu avoir son quart d’heure de claustrophobie, surtout s’il s’agit d’une cave humide ou d’un endroit sombre et plein de courants d’air, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’on soit mal à l’aise dans certains lieux.
Même si l’on montre :
Caractéristiques physiques spéciales du lieu => présence d’expériences inhabituelles
On est loin d’avoir démontré l’implication inverse :
Présence d’expériences inhabituelles => caractéristiques physiques spéciales du lieu
Autrement dit, que les expériences fantomatiques sont causées nécessairement et uniquement par des caractéristiques physiques du lieu.
D’autant plus que l’étude de R. Wiseman ne démontre même pas la première implication, puisqu’elle ne fait que mettre en évidence des corrélations. Pour montrer la causalité, il faudrait au moins montrer que quand on supprime la caractéristique physique en question, il n’y a plus d’expérience inhabituelle.
On retrouve dans cette étude de R . Wiseman la même problématique que celle concernant les théories de M. Persinger sur l’origine magnétique des hallucinations de hantises. M. Persinger a effectué des stimulations magnétiques du cerveau de sujets épileptiques et montré qu’il pouvait provoquer des hallucinations, en déduisant qu’il pouvait ainsi expliquer les hantises. Mais certains ont pu lui opposer l’argument suivant :
« En neurosciences, on peut très bien, en stimulant par une électrode une certaine aire du cerveau d’un sujet normal, provoquer l’audition de musique. Cela ne signifie pas que toutes les musiques proviennent d’une stimulation électrique du cerveau et que les orchestres n’existent pas. »
Les corrélations qui ont été établies :
Dans la première partie (Expérience 1, à Hampton Court à Londres), on a trouvé des corrélations entre des variations du champ magnétique et nombre d’expériences inhabituelles.
Cette corrélation n’a pas été retrouvée dans la deuxième partie (Expérience 2, caves sous le pont d’Edimbourg).
Dans l’Expérience 2, on a trouvé des corrélations entre le nombre d’expériences inhabituelles et la luminosité et les dimensions des pièces. Cela ne paraît pas d’un intérêt transcendant, car peu spécifique.
On ne voit pas en quoi on aurait fourni une explication rationnelle quelconque au phénomène de hantisePhénomènes paranormaux visuels et auditifs liés à un lieu, généralement chargé d'histoire. Les phénomènes peuvent être objectifs et/ou subjectifs et comprennent souvent des apparitions de "fantômes". en montrant une corrélation entre taille de la pièce et nombre de fantômes vus.
2) La notion d’ « Expérience Inhabituelle » (Unusual Experience)
Wiseman est parti des rapports et témoignages spontanés de hantisePhénomènes paranormaux visuels et auditifs liés à un lieu, généralement chargé d'histoire. Les phénomènes peuvent être objectifs et/ou subjectifs et comprennent souvent des apparitions de "fantômes". à propos de 2 lieux connus réputés hantés (c’est-à-dire surtout par la légende). Il en a déduit des endroits particulièrement propices aux phénomènes inhabituels.
Dans son dispositif expérimental avec des sujets volontaires, il a compté le nombre d’Expériences Inhabituelles, et ces Expériences sont censées être représentatives du type d’Expérience « Fantomatique » (« Ghostly Experiences »).
Ces Expériences Inhabituelles sont très variées puisqu’on demandait aux sujets de noter tout ce qui leur paraissait bizarre. Cela pouvait aller des « vertiges, maux de têtes, envies de vomir, difficultés à respirer, impression d’une force, odeurs, impression de présence, émotions intenses … ».
Or, ce type d’expérience n’est pas en réalité assimilable aux comptes-rendus de témoignages de hantises. Il est peu probable que des visiteurs de Hampton Court aient alerté la direction parce qu’ils avaient eu « un peu la tête qui tourne » en passant dans un certain corridor.
D’ailleurs, quand on leur a fait remplir un questionnaire, seuls 8 sujets ( 3,72%) dans la première partie et 1 seul dans la deuxième (0,67%) ont attribué catégoriquement ces expériences à un fantôme. Plus de sujets ont répondu « probablement oui », mais étant donné le caractère fortement suggestif du protocole expérimental, ces réponses ne sont pas à prendre au pied de la lettre. On voit donc que la comparaison ne tient pas : sur le terrain, les personnes qui viennent témoigner d’histoires de fantômes ne le font que lorsqu’elles sont entièrement convaincues et ne voient pas d’autre explication, elles ne s’exposeraient pas au ridicule sinon. Dans l’étude de Wiseman, les sujets rapportaient tout malaise physique ou mental.
3) La concentration des expériences fantômatiques dans certains lieux
R. Wiseman reprend dans cette étude une méthode inaugurée par G. Schmeidler : montrer que des personnes différentes, sans connaissance des légendes liées à un lieu, puissent ressentir des vécus inhabituels dans les mêmes endroits. G. Schmeidler l’avait utilisée dans un but d’objectivation de ces vécus (qui peuvent être ressentis par des personnes différentes), R. Wiseman l’utilise ici dans le but d’attribuer la cause du vécu aux caractéristiques physiques du lieu.
L’étude de R. Wiseman ne démontre pas cette relation causale (voir plus haut). Cependant cette voie de recherche est intéressante. Il faudrait étudier par exemple si les lieux où ont été signalés des hantises (cas bien documentés) ont une plus grande variabilité de champs magnétiques que d’autres lieux similaires en termes d’aspect, d’ancienneté, etc.
4) Le vocabulaire employé
« alleged hauntings » : prétendues hantises.
Ce terme péjoratif sous-entend que les témoignages sont des croyances ou des mensonges, des erreurs d’interprétation de phénomènes naturels totalement banals.
« Claims » : assertions, revendications
Le but avoué des recherches sceptiques est de combattre les « assertions » des défenseurs du « paranormalLe champ des phénomènes susceptibles de relever de la paranormalité est plus ou moins étendu suivant l'idée même que l'on se fait de ce qui est censé être normal ou pas. Une fois éliminé ce qui relève de l' « anormal » et qui renverrait plutôt au dérèglement, voire au pathologique, il reste un domaine assez vaste de phénomènes ou d'expériences étranges, difficilement explicables, qualifiés bien souvent de paranormaux. Les limites de ce corpus de phénomènes sont destinées à être floues puisqu'elles dépendent étroitement de l'idée qu'à une époque et dans une culture données on se fait du «normal », de l'« explicable» et du «possible ». Prenons un premier exemple, bien connu des historiens des sciences. On a longtemps considéré que les météorites n'existaient pas, puisque des «pierres ne pouvaient pas tomber du ciel ». Pourtant de nombreux témoignages rendaient compte de leur existence, avant que la science classique ne les reconnaisse. Ces « pierres » semblent paranormales pour qui ne dispose pas des concepts adéquats permettant de les accepter en tant qu'objets «dignes de science ». Un deuxième exemple aidera à comprendre le relativisme indispensable dès que l'on tente d'appréhender culturellement la paranormalité. Dans les sociétés traditionnelles africaines, il est très classique de considérer qu'à l'aide de pratiques sorcières un sort ait pu être jeté, faisant ainsi une ou plusieurs victimes. L'idée de l'influence occulte à distance ne pose alors pas problème et fait partie des faits possibles, repérés comme causes envisageables du mal et du malheur. L'action sorcière est donc exclue d'une logique paranormale stricto sensu puisque complètement intégrée dans les croyances populaires. Il est d'ailleurs intéressant de noter que, pour bon nombre de nos contemporains vivant en Europe occidentale, cette conviction est encore très présente. Une fois posé ce nécessaire relativisme, il semble que l'on puisse dégager à notre époque quatre manières dominantes d'aborder le concept de paranormal: « sceptique », «fourre-tout », «parapsychologique» et « holistique ». Pour les sceptiques, le paranormal n'existe pas en tant que tel. Il renvoie à d'autres catégories. Le paranormal n'est qu'apparent. Il peut s'agir en fait d'illusions, de trucages consciemment organisés ou de perceptions inconscientes dont d'éventuels témoins ont été victimes en toute bonne foi. Dans cette optique, des faits inexpliqués peuvent bien être reconnus, surtout s'ils sont reproductibles, mais ils doivent trouver leur place au sein d'interrogations portées logiquement par la science. Les tenants de cette manière d'envisager les choses sont souvent qualifiés de «scientistes», tant ils semblent attachés à une vision du réel correspondant exclusivement aux données les plus classiques et reconnues de la science. Leurs références privilégiées se trouvent du côté d'une épistémologie se définissant comme «cartésienne» ou «rationaliste ». Ce qui n'est pas sans poser question. En effet, en choisissant de délimiter d'une façon plus ou moins arbitraire des objets d'étude considérés comme rationnels et d'autres qui, ne l'étant pas, ne méritent pas que l'on s'y attarde, il n'est pas dit que l'on choisisse le camp de la raison. Le risque encouru est de se débarrasser d'un certain nombre de phénomènes gênants au prix d'une amputation d'un réel que l'on peut supposer toujours plus complexe que l'idée que l'on peut s'en faire. En France, Henri Broch est sans doute le représentant le plus connu de ce courant de pensée s'appuyant sur la « zététique », se voulant « science du doute ». À l'apparent opposé de l'approche précédente, le paranormal est parfois envisagé comme un gigantesque fourre-tout, où tout «mystère» est traité sur un pied d'égalité et dans une logique du « tout existe et tout est ton », sans réflexion épistémolologique sur le niveau de réalité susceptibles d'être mis en jeu suivant les «faits » invoqués. Se côtoient, pêle-mêle, les phénomènes dits paranormaux étudiés par les parapsychologues, la cryptozoologie (étude des animaux rares et mystérieux), l'ufologie et, d'une façon plus large, tout phénomène réputé extraordinaire, inexplicable ou mystérieux: triangle des Bermudes, archéologie sacrée, civilisations disparues, ésotérisme, occultisme, sociétés secrètes, etc. Dans ce cadre, où dominent l'amalgame et l'hétérogénéité, les phénomènes étudiés sont accueillis au milieu d'un ensemble baroque qui pèche indiscutablement par son manque d'unité, du moins vu sous un épistémologique. En revanche, en terme sociologique on pourrrait reconnaître une certaine pertinence de recoupement. En effet, le même statut parascientifique réservé à l'ensemble des phénomènes concernés (puisque dans l'optique scientiste évoquée précédemment « rien n'existe et rien n'est bon »). De plus, des travaux sociologiques ont bien montré la proximité des représentations et croyances que l'adhésion à plusieurs de ces phénomènes implique. Très souvent, le terme « paranormal» est employé de façon plus restrictive pour désigner les phénomènes dits paranormaux étudiés par les parapsychologues, regroupant essentiellement les phénomènes de perception extrasensorielle (ESP : télépathie, clairvoyance, précognition) et les phénomènes de type physique (psychokinèse). L'approche parapsychologique tente d'établir des liens entre les expériences réalisées en laboratoire ayant permis d'asseoir les catégories précédentes et un certain nombre de phénomènes du «paranormal spontané ». La question pertinente pour les chercheurs en parapsychologie consiste à se demander si, devant des faits ou des témoignages non ordinaires, on ne se trouve pas en présence de phénomènes paranormaux observés in vivo. La lévitation n'est-elle pas pas à rattacher à une forme particulière de macropsychokinèse ? Dans la pratique des voyants peut-on repérer des compétences paranormales correspondant à des phénomènes de type ESP? Les parapsychologues restent ouverts mais prudents devant des faits s'éloignant de leurs objets d'études et des interprétations se détachant trop d'une pensée authentiquement rationnelle ce qui les différencie des approches différentes. La dernière manière d'envisager le paranormal peut être considérée comme une variante de la précédente mais s'en différenciant suffisamment pour en être démarquée. Reconnaissant les mêmes phénomènes que les parapsychologues « classiques » mais préocuppés par une théorisation globale et donc à prétention holistique, à défaut d'être définitive, certains chercheurs s'éloignent de l'expérimentation de laboratoire et de la question de la preuve. Ils considèrent cette dernière comme définitivement acquise ou pensent qu'elle n'est pas pertinente épistémologiquement. Ils se tournent alors préférentiellement vers les données tirées de l'expérience subjective pour tenter diverses synthèses à coloration psychologique, philosophique, voire religieuse, suivant les auteurs. Ainsi Philippe Wallon tente de théoriser à travers le concept des «niveaux du mental », un élargissement de l'inconscient associée à des éléments : la philosophie orientale. François Favre privilégie quant à lui le concept d'« intentionnalité» comme moteur de l'émergence du paranormal. D'autres auteurs, à la sensibilité proche du mouvement New Age, n'hésitent pas à associer d'une façon syncrétique plus ou moins rigoureuse des considérations scientifiques (la physique quantique est très souvent convoquée pour la circonstance), philosophiques et spirituelles intégrant des éléments paranormaux. Pour terminer, il paraît utile de tenter de rapprocher le paranormal, concept complexe et polysémique, de certaines catégories théologiques. Le paranormal est trop souvent associé au sumaturel, comme il peut l'être au contraire au diabolique. C'est sans doute à la méconnaissance des travaux parapsychologiques, tout autant dans les milieux ethnologiques, psychanalytiques que théologiques, que l'on doit ce type de confusions et d'amalgames, parfois lourds de fâcheuses conséquences (notamment dans le cadre de certaines prises en charge thérapeutiques, d'accompagnements spirituels ou de pratiques d'exorcismes). Ne serait-il pas plus judicieux de considérer les phénomènes dits paranormaux comme relevant d'un « naturel non ordinaire », voire de la catégorie du «préternaturel»? Il n'est pas question de clore ici un débat qui mérite mieux que la place académique limitée qui lui est aujourd'hui accordée. {Par Paul-Louis Rabeyron (extrait du dictionnaire des miracles et de l'extraordinaire chrétien, rédigé sous la direction de Patrick Sbalchiero, Fayard, 2000)} », c’est-à-dire un but de l’ordre de la propagande sociale « prophylactique » et pas un but purement scientifique.
Le fait que dans l’introduction de l’article on parle de ces « claims » montre bien que la conclusion de ces recherches est faite avant même que les expériences soient effectuées.
5) Le glissement sémantique
Quels sont les résultats de cette étude ?
Les Expériences Inhabituelles rapportées par les sujets se concentrent dans certains endroits, les zones réputées « hantées ».
Le nombre d’expériences inhabituelles est corrélé dans la première partie avec les variations du champ magnétique, dans la deuxième avec la luminosité et les dimensions des pièces.
Quelles sont les conclusions de l’article ?
l’étude suggère fortement que les gens font état d’Expériences Inhabituelles dans les lieux hantés A CAUSE de facteurs environnementaux, qui varient selon les endroits.
l’étude a commencé à identifier certains de ces facteurs : variation du champ magnétique, luminosité et taille des pièces.
ces résultats suggèrent fortement que les « prétendues hantises » signalées dans ces lieux ne sont pas des preuves d’une activité fantomatique mais sont les réponses inconscientes à des stimuli de facteurs normaux de l’environnement.
En vérité, la distance qui sépare les résultats des conclusions est très grande :
aucun facteur causal n’a été démontré. Si un petit Casper Le Fantôme venait malicieusement perturber les gens dans ces lieux hantés, on aurait exactement le même résultat pour ces expériences.
les corrélations trouvées ne sont pas très intéressantes ou spécifiques. La variation de champ magnétique n’ayant pas été retrouvée dans la deuxième expérience, il reste des effets liés à la luminosité ou la taille de la pièce … : ces caractéristiques peu spécifiques ne sont pas exploitables.
il y a extrapolation, à partir des « Expériences Inhabituelles » des sujets de l’étude, aux témoignages de hantisePhénomènes paranormaux visuels et auditifs liés à un lieu, généralement chargé d'histoire. Les phénomènes peuvent être objectifs et/ou subjectifs et comprennent souvent des apparitions de "fantômes". en général.
Alors qu’on ne parle pratiquement jamais en France des études scientifiques sur les fantômes, la presse a relayé abondamment ces conclusions. Exemple dans la Revue Sciences Humaines :
« Le psychologue Richard Wiseman a réalisé la première grande enquête scientifique sur l’existence des fantômes. » (la première grande enquête date en vérité des années 1890). …. « En lieu et place de fantômes, il n’existerait QUE des personnes étrangement sensibles à certaines variables naturelles… ».
C’est cette conclusion réductrice qui a fait la une des médias, et a également constitué un fil directeur du documentaire.