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Quelques fondamentaux sur les théories du psi

Quelques fondamentaux sur les théories du psi

Tricksterandparanormal.jpgCet article est un extrait de l’ouvrage du chercheur George P. Hansen, The Trickster and the Paranormal. L’auteur vulgarise avec brio quelques notions assez complexes issues des recherches en parapsychologie orientées vers la compréhension des processus en jeu. Il se concentre notamment sur les modèles américains, et détaille trois de ces modèles dans un autre article disponible ici.


George Hansen, Quelques fondamentaux sur les théories du psi, The Trickster and the Paranormal, Philadelphia : Xlibris Books, 2001, p.320-331.

Les premiers parapsychologues reconnaissaient certaines ambiguïtés [dans leurs définitions des phénomènes psi], mais la modélisation théorique n’était pas une priorité pour eux. Ils n’ont accordé qu’une attention secondaire aux problèmes conceptuels, et ainsi la plupart des chercheurs se représentait le psi d’une façon qui n’était pas complètement explicite. Beaucoup soutenait que c’était une forme de communication, avec un canal et un signal transmis le long de ce canal. Les parapsychologues présumaient d’habitude que le psi opérait comme les processus physiques ou biologiques, ce qui prit plus tard le nom de « perspective psycho-biologique ». Cela semblait une voie naturelle pour concevoir ces phénomènes, et la terminologie traditionnelle (c’est-à-dire émetteurs, récepteurs, etc.) a subtilement aidé à maintenir ces façons de penser. (Même dans ce livre, l’auteur est coupable de perpétuer ces termes douteux, parce qu’ils aident à décrire les procédures expérimentales.) Cependant, un corpus d’expériences indique que ni l’ESP n’agit comme une « radio mentale », ni la PK ne se comporte comme de l’énergie projetée hors du corps. Ils agissent plutôt comme un processus unitaire, assez différent des autres opérations physiques. Les chercheurs actifs savent que le psi ne colle pas avec les modèles des autres disciplines. Ils écrivent à ce propos, mais malgré cela, la plupart persistent à penser selon ces rails traditionnels.
Ces données implicites n’empêchèrent pas le développement théorique, mais la focalisation portait sur les expériences. La parapsychologie était un petit domaine (dans toute son histoire, elle compta probablement moins de 10 chercheurs à plein-temps aux Etats-Unis), et avec la présence de Rhine comme commandant, le travail théorique n’était pas une grande priorité. Rhine conserva la focalisation du champ sur les expériences, et sans son leadership, il se serait probablement désintégré. Mais cette focalisation a un prix.

Nouvelles approches

La fin des années soixante et les années soixante-dix furent des années de croissance de la parapsychologie, et du fait de plusieurs facteurs, cette période devint un tournant pour le développement théorique. Avec le départ de Rhine du poste de directeur de l’Institute for Parapsychology, sa domination sur le champ décrût, et de nouveaux laboratoires furent établis par ceux qui trouvaient l’approche de Rhine trop restrictive. L’influx de nouveaux chercheurs élargit le champ, et des scientifiques établis provenant d’autres domaines apportèrent leurs perspectives issues de leurs disciplines. Les physiciens introduisirent la mécanique quantique en lien avec les problèmes parapsychologiques ; les biologistes effectuèrent plus d’études du psi chez les animaux, et les technologiques informatiques permirent de nouvelles expériences plus sophistiquées. Durant cette période fructueuse mais turbulente, les anciennes expériences furent réévaluées, et des modèles théoriques alternatifs furent développés.
Helmut Schmidt, physicien allemand travaillant aux Scientific Research Laboratories à Seattle, et Evan Harris Walker, physicien de l’U.S. Army à Aberdeen Proving Grounds dans le Maryland, produisirent certaines des théories les plus importantes. Elles étaient basées sur la mécanique quantique et attirèrent l’attention de nombreux scientifiques. D’autres théories furent également introduites. Rex Stanford proposa les modèles du psi-mediated instrumental response (PMIR, « Réponse instrumentale médiatisée par le psi ») et du conformance behaviour (« Comportement de conformation »). J.E. Kennedy publia des articles conceptuels sur la complexité de la tâche, la redondance, et les effets expérimentateurs. William Braud introduisit les idées sur la labilité et l’inertie dans la relation aux processus psi. Tout ceci fut développé dans les années soixante-dix.
Ces efforts théoriques arrivèrent en même temps que des expériences qui sondaient explicitement les limites du psi et suscitaient des questions sur la meilleure façon de les concevoir. Les thèmes directeurs incluaient les effets expérimentateurs médiatisés par le psi, la PK rétroactive, la nature orientée-vers-un-but du psi, la divergence, l’indépendance à la complexité de la tâche, le comportement de conformation, et la source du problème psi. Il y a probablement seulement une douzaine de personnes au monde qui ont une connaissance pratique de ces termes. Ils seront expliqués plus loin. Ils sont reliés entre eux, si bien qu’on ne peut d’ailleurs pas clairement les distinguer, mais tous parlent du problème des frontières, des contraintes et des limites du psi. Leur signification et leurs implications sont difficiles à saisir sans une grande familiarité avec la littérature sur la parapsychologie expérimentale. En conséquence de quoi la plupart n’ont reçu que peu ou pas d’écho dans les textes introductifs, et depuis le début des années 80, ils ont donné lieu à relativement peu de commentaires, même au cœur du champ parapsychologique.
Pour illustrer ces points, de nombreuses expériences additionnelles doivent être présentées. Certaines étaient assez intelligentes et produisirent des résultats frappants, et le lecteur pourra en profiter quand bien même il choisirait de se concentrer sur les procédures expérimentales plutôt que sur les ambiguïtés conceptuelles. Cependant, les problèmes théoriques sont au centre du propos, et comme avec toutes les expériences scientifiques, diverses interprétations sont possibles. Enfin, lorsque la recherche parapsychologique est considérée dans sa globalité, une image émerge qui est décidément étrange.

Effets expérimentateurs

Les parapsychologues savaient depuis longtemps que certains de leurs collègues avaient plus de succès que d’autres lorsqu’il s’agissait d’obtenir des résultats positifs. Ils suspectaient que c’était dû à des différences dans les aptitudes interpersonnelles, leur capacité à mettre les gens à l’aise et à beaucoup les motiver pour les expérimentations. L’effet expérimentateur était si bien reconnu que Rhine sollicita des nouvelles personnes pour qu’elles prennent part à des tests préliminaires afin de déterminer si elle pouvait ou ne pouvait pas mettre en évidence du psi dans le laboratoire. Si un parapsychologue potentiel en était incapable, Rhine conseillait que cette personne serait plus utile dans quelque chose d’autre que la parapsychologie expérimentale[[Par exemple, voir Parapsychology : Frontier Science of the Mind par Rhine et Pratt (1957, pp.131-132). Voir aussi le commentaire de Rhine « Frustrations over Research Failures » dans le Journal of Parapsychology, vol. 37, 1973, pp.357-360.]]. D’autres parapsychologues ont testé expérimentalement ces effets expérimentateurs, et il vint à jour qu’ils impliquaient en fait plus que des aptitudes sociales. Dans certaines études, les expérimentateurs exerçaient inconsciemment une influence psychique sur les résultats.
Au début des années 50, Donald J. West et George W. Fisk s’intéressèrent à ce problème. Fisk était un physicien britannique qui passa de nombreuses années en Chine, et officia plus tard en tant qu’éditeur du Journal of the Society for Psychical Research. West était un psychiatre, criminologue, et un ancien président de la SPR. Chacun avait conduit un certain nombre d’études. Fisk obtenait fréquemment des résultats positifs, au contraire de West. Ils décidèrent de collaborer et d’explorer les différences dans les résultats. Ils mirent en place une expérience, publiée en 1953, qui devint l’un des articles les plus fréquemment cités sur l’effet expérimentateur psi.
Vingt sujets reçurent chacun 32 paquets scellés contenant 12 cartes représentant un cadran d’horloge avec une main pointant sur l’une ou l’autre des heures. West et Fisk préparèrent chacun la moitié des cibles pour chaque sujet, et les sujets ignoraient qui avaient préparé les paquets, et même qu’il y avait deux expérimentateurs impliqués. Fisk envoya tous les paquets dans un ordre aléatoire. Au final, les cartes préparées par Fisk furent plus souvent devinées que celles préparées par West. Le tableau des résultats montrait qu’il n’y avait pas un seul sujet qui aurait pu être tenu pour responsable du résultat global[[West, D.J., & Fisk, G.W. (1953). A Dual_ESP Experiment with Clock Cards. Journal of the Society for Psychical Research, 37 : 185-197. ]].
L’expérience était généralement bien conduite, mais, malheureusement, le rapport ne donna pas le détail des précautions prises contre la triche. Néanmoins, il n’y avait pas de score particulièrement élevé qui pouvait provoquer une telle suspicion. En outre, même si l’un des sujets avait triché, on aurait attendu que tous les paquets soient vulnérables (les auteurs rapportent que même si les sujets avaient appris que les paquets étaient préparés par deux expérimentateurs, « ils n’auraient pas été capable de dire lequel venait duquel. »[[Ibid., p.185.]]). Par conséquent, bien que l’expérience ne fût pas parfaitement contrôlée, aucune triche ne semble s’être produite.
La question soulevée est de savoir si seuls les sujets étaient responsables des résultats. Certains l’étaient probablement, et l’un d’eux obtint des très bons résultats à la fois avec les cibles scellées par Fisk et celles scellées par West. Est-ce que Fisk ou West ont laissé une sorte de résidu qui aurait stimulé ou inhibé les capacités psi ? C’est une possibilité, mais d’autres travaux avec d’autres expérimentateurs trouvèrent des résultats semblables dans des expériences de précognition où les cibles n’étaient sélectionnées qu’après que les réponses soient faites. Des différences significatives furent trouvées entre les expérimentateurs qui contrôlèrent les résultats, et elles semblaient attribuables à l’influence psi des expérimentateurs. Ce type de découverte provoqua des débats[[Après l’étude de West et Fisk, d’autres trouvèrent que la personne qui analysait (« checked ») les données affectaient parfois le résultat, et ceci fut appelé « l’effet checker ». Les résultats globaux ne sont pas clairs, mais il y a suffisamment de données pour suggérer qu’un checker (même s’il n’a aucun contact avec les sujets) peut être considéré comme une source potentielle de score au-delà de ce qu’on peut attendre du hasard. Les expériences sont un peu trop complexes pour être présentées ici, mais elles incorporent une variété de précautions pour exclure un biais inconscient et non-psi de la part des checkers. Cf. « The Possible Effect of the Checker in Precognition Tests » par Sara R. Feather et Robert Brier, Journal of Parapsychology, vol. 32, 1968, pp. 166-175. Pour en savoir plus sur l’effet checker, voir « The Checker Effect Revisited » par Debra H. Weiner et Nancy L. Zingrone dans le Journal of Parapsychology, vol. 50, 1986, pp.85-121.]].
En 1976, deux importantes revues de la littérature sur l’effet expérimentateur dans la recherche psi parurent : l’une était le fait de Rhéa White dans le Journal of the American Society for Psychical Research, l’autre celui de J.E. Kennedy et Judith Taddonio dans le Journal of Parapsychology. Ils furent écrits indépendamment, mais couvraient à peu près le même matériel, indiquant que le sujet arrivait à maturité[[Un troisième article sur les effets expérimentateurs fut publié la même année par Robert H. Thouless dans le Journal of the Society for Psychical Research, vol.48, pp. 261-266, intitulé « The Effect of the Experimenter’s Attitude on Experimental Results in Parapsychology ». Il est d’un intérêt mineur, mais il démontre l’importance de ce problème à ce moment-là. ]]. White, une bibliothécaire, avait travaillé au laboratoire de Rhine dans les années 50. Elle travailla plus tard en tant qu’éditrice du Journal of the American Society for Psychical Research, puis de ses propres périodiques et bases de données. Au cours des années, elle a produit un nombre important de livres de référence pour le domaine, ainsi que de nombreux articles théoriques. Kennedy était un jeune chercheur au laboratoire de Rhine qui publia plusieurs articles théoriques majeurs dans les années 70. Il faisait partie du trio qui attrapa le directeur du laboratoire, Walter J. Levy, en train de falsifier des résultats en 1974.
Ce qui stimula en partie ces articles sur les effets expérimentateurs venait de constatations parallèles dans la recherche psychologique ordinaire. Dans les dix années précédentes, l’étude de Robert Rosenthal sur les biais dus aux expérimentateurs attira un intérêt médiatique considérable, et entraîna de vifs débats. Les effets expérimentateurs alarmèrent les psychologues. Ils comparaient souvent des groupes dans leurs expérimentations, et l’un des chercheurs pouvait inconsciemment traiter l’un des groupes différemment de l’autre. Si un protocole permettait un tel biais, via une communication non-intentionnelle de l’expérimentateur aux sujets, les résultats pouvaient être contaminés. Des problèmes similaires furent soulevés dans la recherche médicale avec le fameux effet placebo. Les problèmes en parapsychologie étaient néanmoins bien plus graves qu’en psychologie ou en médecine. L’étude de West et Fisk indiquait que les effets expérimentateurs pouvaient être dus au psi.
L’expérimentation sur les expérimentations est une activité réflexive, et les effets expérimentateurs furent des manifestations problématiques de la réflexivité. Ils défient la validité des méthodes expérimentales dans l’ensemble des disciplines scientifiques. Ils posent des problèmes que les personnes veulent éviter. Les effets expérimentateurs étaient difficiles à reproduire dans la psychologie ordinaire, et le problème de réplication fut encore plus grave en parapsychologie. Personne ne peut être sûr que seuls ceux qui étaient considérés comme les sujets utilisaient du psi ; les expérimentateurs ainsi que d’autres pouvaient contribuer à influencer le psi. Ceci exacerba évidemment les problèmes de réplication. Les effets expérimentateurs évoquent également le problème de la « participation ». Le psi permet (et peut-être requiert) que les expérimentateurs participent psychiquement aux expériences, même involontairement. Ils ne peuvent pas complètement être séparés de leur tâche.
La participation est un problème crucial en parapsychologie. On le trouve également en ethnométhodologie et dans la sociologie de la connaissance scientifique.

Psi non-intentionnel

Certaines personnes ont la chance d’être au bon endroit au bon moment. Des parapsychologues suggérèrent que ces personnes utilisaient inconsciemment leurs capacités psi. L’idée, apparue initialement comme une intuition, fut testée par de nombreuses expériences.
En 1975, Rex Stanford et ses collègues publièrent un article sur la PK non-intentionnelle. Stanford est un professeur de psychologie à l’Université St John’s de New York, et il a été un expérimentateur et un théoricien actif en parapsychologie pendant plusieurs années. Plus tôt dans sa carrière, il avait travaillé au laboratoire de Rhine puis avec le psychiatre Ian Stevenson à la division de Parapsychologie de l’Ecole médicale de l’Université de Virginia. Rex avait un frère jumeau monozygote, Ray, un artiste et sujet psi qui a écrit plusieurs livres sur des thématiques paranormales. Ray a aussi contribué de manière substantielle à la paléontologie en découvrant des espèces de fossiles auparavant inconnues.
Dans l’expérience de Stanford, 40 étudiants mâles devaient accomplir la longue et ennuyeuse tâche de suivre un rotor de poursuite bougeant lentement, pendant 45 minutes. A l’insu des étudiants, un Générateur de Nombres Aléatoire était en activité durant tout le temps de leur test. Si à un moment durant les 45 minutes de la session, le GNA produisait un résultat suffisamment extrême, l’étudiant changeait de tâche, passant de la tâche ennuyeuse à une bien plus intéressante – coter des images érotiques. Au final, un nombre significatif d’étudiants s’échappèrent de la tâche ennuyeuse et eurent l’opportunité de voir les autres images. Ils n’étaient pas au courant qu’il y avait en même temps une expérience parapsychologique. Apparemment, ils ont usé de PK pour influencer un GNA ; cela semblait l’interprétation la plus raisonnable, au moins initialement[[Standford, R.G., Zenhausern, R., Taylor, A., & Dwyer, M.A. (1975). Psychokinesis as Psi-Mediated Instrumental Response. Journal of the American Society for Psychical Research, 69, 127-133. ]].
Martin Johnson à l’Université de Lund en Suède conduisit une autre étude sur le psi non-intentionnel en 1971 et 1972 (testant l’ESP)[[Johnson, M. (1973). A New Technique of Testing_ESP in a Real-Life, High-Motivational Context. Journal of Parapsychology, 37, 210-217.]]. Johnson état en charge d’un cours de psychologie, et il prépara un examen pour ses étudiants. Chaque copie de l’examen fut donnée avec une enveloppe. A l’insu des étudiants, au sein de chaque enveloppe se trouvait une feuille avec des réponses sélectionnées aléatoirement. Chaque étudiant avait un assemblage différent de réponses, et le tout était couvert par du papier aluminium afin que les réponses ne puissent pas être vues. Les étudiants ne connaissaient pas le contenu des enveloppes et ne savaient même pas qu’ils participaient à un test d’ESP. Ils répondirent significativement mieux aux questions dont les réponses se trouvaient dans leurs enveloppes.
Ce résultat amène une interrogation. Si, comme beaucoup de choses semblent l’indiquer, l’ESP n’est pas limitée par la distance, pourquoi les étudiants n’utilisèrent pas l’ESP pour apprendre les réponses aussi bien pour toutes les questions (par exemple, par télépathie avec l’instituteur, ou à partir des réponses dans les enveloppes des autres étudiants) ? Pourquoi ont-ils eu de meilleurs scores sur les questions dont les réponses étaient dans leurs enveloppes ? Bien sûr, on pourrait suggérer certaines raisons quelque peu compatibles avec ces découvertes. Le désir de l’expérimentateur d’obtenir un résultat positif, couplé avec sa capacité psi inconsciente, pourrait expliquer le résultat. Johnson avait sélectionné aléatoirement les réponses pour chaque enveloppe et, en les distribuant, peut-être a-t-il involontairement fait correspondre les enveloppes avec les étudiants qui connaissaient déjà ces réponses en particulier. Toute la procédure peut être perçue comme un processus aléatoire complexe, et son psi peut l’avoir influencé. Un certain nombre d’études conceptuellement comparables suggèrent également qu’un effet expérimentateur psi peut opérer dans de telles circonstances.

L’indépendance à la complexité de la tâche

Les premiers laboratoires de recherche suspectaient que l’ESP et la PK étaient les deux aspects d’un processus unique. Une façon d’étudier cette idée était de combiner les tests de l’ESP et de la PK dans une seule expérience, en utilisant des cibles cachées. Karlis Osis publia l’une des premières expériences de ce type en 1953 alors qu’il travaillait au laboratoire de Rhine à Duke[[Osis, K. (1953). A Test of the Relationship Between_ESP and_PK_. Journal of Parapsychology, 17, 298-309.]]. Osis était une figure majeure de la parapsychologie, et il mérite qu’on s’attarde sur lui. Il est né en Lettonie et a obtenu un Ph.D. en psychologie en Allemagne. Il émigra aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale et fit d’abord du travail manuel à cause de son anglais défectueux, tout en effectuant durant ce temps quelques tests d’ESP avec des animaux. Rhine eut de l’intérêt pour son travail et l’invita à travailler à Duke. Après son passage en ce lieu, il devint directeur de recherche à la Parapsychology Foundation de New York City et prit plus tard un poste similaire à l’Amercian Society for Psychical Research. Il est des rares dont la carrière en parapsychologie a duré presque toute sa vie, tout en restant quelqu’un d’innovant. Il est un pionnier de la recherche sur l’ESP en rêve[[Ullman, M., & Krippner, S. (1970). Dream Studies and Telepathy : An Experimental Approach. Parapsychological Monographs n°12. New York : Parapsychology Foundation.]] ; il étudia les expériences de mort imminente longtemps avant que Raymond Moody et Elisabeth Kübler-Ross popularise le sujet[[Osis, K. (1961). Deathbed Observations by Physicians and Nurses, Parapsychology Monographs n°3. New York : Parapsychology Foundation.]], et il fit des recherches sur les effets de la distance sur la performance à l’ESP. Osis fut aussi l’un des rares a avoir pu se consacrer quasi exclusivement à la recherche, sans avoir à faire avec l’administratif, l’enseignement et le management[[Pour d’autres informations personnelles supplémentaires sur Osis, voir son chapitre : « The Paranormal : My Window on Something More » in : Men and Women of Parapsychology : Personal Reflections, édité par Rosemarie Pilkington, Jefferson, NC : McFarland & Company, 1987.]].
La procédure de test d’Osis incluait des dés, et elle était simple et efficace. Des listes de visages cibles (numérotés de 1 à 6) étaient préparées en utilisant des tables de nombres aléatoires. Sur chaque liste, 16 cibles étaient indiqués. Chaque liste était placée dans une enveloppe, et une feuille semblable mais vierge était placée à l’extérieur. Les sujets lançaient un dé pour chaque essai, tentant de faire que la face supérieure du dé corresponde avec la cible dans l’enveloppe. Les résultats des jets du dé étaient enregistrés sur la feuille vierge.
Si l’ESP et la PK agissent comme des processus perceptuels et moteurs, alors on présume dans l’étude d’Osis que le sujet utilise d’abord l’ESP pour connaître le visage cible et ensuite la PK pour affecter la chute du dé. Si c’était le cas, les scores de PK avec des cibles cachées devaient être beaucoup plus faibles qu’avec des cibles connus du sujet. En effet, si l’ESP et la PK étaient indépendantes et que chacune fonctionnait environ 10 % du temps, alors elles devraient fonctionner ensemble seulement 1 % du temps (0,10 x 0,10 = 0,01). Les scores devraient être très réduits[[A.A. Foster réalisa quelque chose de similaire en 1940 avec des tests cachés d’ESP, in « Is ESP Diametric ? ». Journal of Parapsychology, vol.4, n°2, décembre 1940, pp.325-328.]].
Osis trouva que les scores avec les cibles cachées étaient quasiment les mêmes que ceux avec les cibles connues, indiquant que la PK n’était pas comparable à une autre force dans la nature. Cette expérience préliminaire n’était certainement pas suffisante pour aboutir à cette conclusion, et elle n’était d’ailleurs pas aussi bien contrôlée que d’autres études en parapsychologie, ce qu’Osis a clairement présenté dans son rapport. (De meilleurs contrôles devraient inclure une machine lançant le dé, des enveloppes scellées avec les listes des cibles recouvertes d’aluminium pour assurer l’opacité, et une meilleure sécurisation du dispositif assuré par l’expérimentateur. Il faut cependant remarquer qu’Osis et sa femme effectuèrent eux-mêmes la plus grande partie des essais, ce qui mitige en partie ces défauts.) Les conclusions furent renforcées par une variété d’études postérieures qui pointèrent dans la même direction.
Les expériences de PK avec des cibles cachées sont aujourd’hui comprises comme des tests de ce qu’on appelle la complexité de la tâche. La complexité, prise en ce sens, fait référence à la quantité d’information apparemment requise pour dupliquer une tâche psi par des activités sensorimotrices humaines normales (cela correspond, dans l’expérience d’Osis, au fait que le sujet doit d’abord connaître l’identité de la cible et ensuite influencer la chute du dé ; deux étapes sont requises). Rendre une tâche plus complexe ne fait pas baisser les scores, et ceci fut confirmé avec d’autres études où la complexité élevée de la tâche s’accompagnait tout de même de résultats positifs.
Ces expériences stimulèrent un travail théorique et, en 1974, Helmut Schmidt suggéra que le psi était « orienté vers un but » (goal-oriented). D’après lui : « cela suggère que la PK n’est pas comprise de manière appropriée si on la décrit comme un mécanisme par lequel l’esprit interfère avec la machine d’une façon intelligemment calculée, alors qu’il semble plus juste de voir la PK comme un principe orienté-vers-un-but, c’est-à-dire qui vise le succès d’un événement final, peu importe la façon dont sont organisées les étapes intermédiaires. »[[« Psychokinesis », par Helmut Schmidt, in : Psychic Exploration : A Challenge for Science édité par Edgar D. Mitchell et John White, 1974, p.190.]] Cette idée en amena d’autres.
En juin 1978, J.E. Kennedy publia un autre article théorique important intitulé : « Le rôle de la complexité de la tâche dans la PK : une synthèse » (The Role of Task Complexity in PK : A Review) dans le Journal of Parapsychology. Kennedy demanda s’il y avait une différence substantielle entre un sujet lançant un dé en souhaitant obtenir un six dans une expérience de PK et un expérimentateur conduisant une étude dont il désire qu’elle aboutisse à un résultat significatif. Tous les deux essayent d’influencer des processus aléatoires.
Kennedy pointa que toutes les expériences impliquent une hiérarchie de buts : un sujet vise un succès dans chaque essai individuel ; chaque sujet souhaite de bien réussir sa session (c’est-à-dire la somme de ses essais) ; l’expérimentateur désire un résultat statistiquement significatif pour son expérience, et chaque expérience n’est qu’une partie d’un groupe plus large de recherches que l’expérimentateur espère coiffé de réussite. Ces buts ne sont pas contradictoires, mais ils posent des problèmes pour l’interprétation des résultats. Si un expérimentateur est la source première du psi, et que les sujets ne font pas plus que de générer des données aléatoires, la signification statistique pourra être détectée seulement après l’analyse globale des résultats. En effet, il est possible que même si aucun sujet n’obtient un résultat significatif individuellement, l’expérience prise dans son ensemble soit statistiquement significative. La forme des données générées aléatoirement, au moyen des tables de nombres aléatoires et des réponses des sujets, peuvent confirmer les attentes de l’expérimentateur. Kennedy suggéra qu’afin de maximiser le psi dans une expérience (sur le plan statistique), toutes les parties impliquées doivent particulièrement concentrer leur attention et leurs efforts sur chaque essai individuel plutôt que sur l’expérience prise comme un tout. Il élabora cette idée dans un article sur la redondance publiée l’année suivante[[Kennedy, J.E. (1979). Redundancy in Psi Information : Implications for the Goal-Oriented Hypothesis and for the Application of Psi. Journal of Parapsychology, 43, 290-314.]].

PK rétroactive

La précognition est l’un des plus grands obstacles à l’incorporation du psi dans les théories scientifiques conventionnelles. Le fait de violer la barrière du temps subvertit les notions classiques de cause et d’effet (dans le sens d’une cause qui précède ses effets). Cela pose de réels problèmes. Des questions identiques sont soulevées par certaines expériences de PK sur des cibles pré-enregistrées conduites par Helmut Schmidt. Il trouva que la PK pouvait fonctionner dans le sens inverse du temps, et cela fut nommé PK rétroactive (ou rétro-PK)[[Schmidt, H. (1976)._PK Effect on Pre-Recorded Targets. Journal of the American Society for Psychical Research, 69, 301-319. L’expérience de_PK rétroactive décrite ici est présentée dans les pages 279 à 281 de l’article de Schmidt, qui reporte également d’autres expériences.]].
Schmidt utilisa un générateur de nombre aléatoires électronique (GNA) pour contrôler le taux de clics sonores produits par un dispositif électronique. Ces sons étaient joués dans un casque audio. Dans les expériences préliminaires, Schmidt montra que les humains pouvaient augmenter le taux de clics en utilisant de la PK pour influencer le GNA. Il alla plus loin en enregistrant les clics sur une cassette audio plutôt que de les jouer directement aux sujets. En plus, un second enregistrement était fait sur une bande de papier perforée. Pour l’expérience, la moitié des séquences enregistrées sur la cassette furent jouées sous forme de clics aux sujets, l’autre moitié servant de contrôles. Les séquences expérimentales et contrôles étaient sélectionnées en utilisant un processus déterministe aléatoire : on faisait la racine carré d’une succession de nombres premiers, puis on prenait le douzième chiffre après la virgule, en utilisant sa parité (pair ou impair) pour désigner la cible ou le contrôle. Les sujets écoutaient les cassettes à travers le casque et essayaient d’augmenter le taux de clics. Schmidt mit le niveau sonore très bas, de telle manière à ce qu’ils aient besoin de rester attentifs durant leur écoute. Les essais en mode « test » obtint significativement plus de clics que les essais en mode « contrôle ». L’effet PK sur les cibles pré-enregistrées fut à peu près de la même magnitude que les effets PK en temps réel.
L’expérience de Schmidt défiait directement la conception de la causalité. Bien que l’expérience fût conduite voilà plus d’un quart de siècle, peu de personnes la connaissent, et quand j’en parle autour de moi, les gens pensent souvent qu’ils ont mal compris ce que j’ai dit. Les résultats offensent le sens commun.
Les expériences sur la rétro-PK permettent d’utiliser des très bons contrôles contre la fraude. Schmidt analysa ses résultats en usant le papier perforé. Comme la cassette n’était pas disponible pour les sujets, et même s’ils essayaient de l’altérer, des manipulations sur ce support n’auraient fait aucune différence pour l’analyse des résultats.
La méthode peut être étendue pour se protéger contre la fraude d’un seul expérimentateur. Un expérimentateur peut enregistrer les séquences qui vont être influencées (c’est-à-dire les 0 et les 1 sur une cassette, un disque ou un autre support), faire une copie, et donner la copie à un second expérimentateur. Un troisième expérimentateur, qui n’a pas de copie de la cassette, peut sélectionner aléatoirement les segments qui vont servir pour les essais « test » et ceux pour les essais « contrôle ». Le troisième expérimentateur peut fournir une copie de ses sélections au premier ou au deuxième expérimentateur. Alors, les cassettes peuvent être données directement aux sujets qui les rapportent à la maison. Même si le sujet a des compétences en électronique ou en informatique et modifie la cassette, cela ne fera aucune différence. Les résultats sont évalués avec les copies détenues par les expérimentateurs. A ce niveau, une fraude requerrait le compérage d’au moins deux expérimentateurs.
Dans le numéro du Journal of Parapsychology de mars 1968, Schmidt publia une expérience ingénieuse avec Robert Morris et Luther Rudolph. Schmidt était à la Mind Science Foundation à San Antonio, au Texas, et les deux autres étaient à l’Université de Syracuse à New York[[Schmidt, H.,_Morris_, R., & Rudolph, L. (1986). Channeling Evidence for a_PK Effect to Independant Observers. Journal of Parapsychology, 50, 1-15.]]. Leur procédure était similaire à celle décrite plus haut, bien qu’un peu améliorée, et le lecteur est convié à examiner le compte-rendu original de ce qui fut l’une des expériences de parapsychologie les plus strictement contrôlées jamais conduites. Ce fut un succès, et les expériences ultérieures continuèrent sur cette voie[[Pour en savoir plus sur de telles expériences : Schmidt, H., & Stapp, H. (1993). PK With Prerecorded Random Events and the Effects of Preobservation. Journal of Parapsychology, 57, 331-349 ; et Schmidt, H. (1993). Observation of a Psychokinetic Effect Under Highly Controlled Conditions. Journal of Parapsychology, 57, 351-372.]].
Elmar Gruber, un jeune chercheur allemand, réalisa une expérience qui était un prolongement intriguant de ce type de protocole[[Gruber, E.R. (1980)._PK Effects on Pre-Recorded Group Behavior of Living Systems. European Journal of Parapsychology, 3(2), 167-175.]]. Plutôt que d’utiliser un GNA pour produire les séquences cibles, il utilisa un dispositif photoélectrique généralement employé pour compter les gens qui entrent dans un supermarché. Lorsqu’ils passent devant le dispositif, un clic est enregistré sur la cassette magnétique. Ensuite, la cassette avec la séquence de clics fut divisée en une période expérimentale et une période contrôle (en utilisant des cartes blanches et noires mélangées), et les portions expérimentales furent jouées plus tard à des sujets qui ne savaient pas que les clics avaient été pré-enregistrés. Comme dans les expériences de Schmidt, les sujets écoutaient les clics dans un casque et tentaient d’augmenter le taux de clics. Gruber fit une seconde série d’expériences où, plutôt que d’utiliser l’enregistrement du nombre de personnes entrant dans un supermarché, son dispositif se basait sur l’enregistrement de voitures passant à travers un tunnel. Dans les deux séries d’expériences, Gruber trouva un taux de clics significativement plus élevé dans les périodes expérimentales que dans les périodes contrôles. Il semblait donc que les sujets pouvaient affecter le passé. Ou, du moins, qu’il y avait une corrélation entre les intentions des sujets et les mouvements des consommateurs et du trafic automobile.

Problèmes théoriques

La situation laisse perplexe. Avec les effets expérimentateurs, le psi non-intentionnel, la PK rétroactive, on peut s’inquiéter de jusqu’où l’influence psychique peut aller. Et d’autres doivent se demander si un quelconque progrès scientifique peut être fait dans ce champ ! Comment peut-on savoir qui a causé un effet psi dans une expérience ? Il semble qu’à la fois les sujets, les expérimentateurs, ceux qui analysent les résultats et encore les observateurs extérieurs peuvent influencer l’issue d’une expérience. Est-ce que les sceptiques peuvent inhiber les résultats positifs en utilisant inconsciemment leurs capacités ? Est-ce que cela n’invalide pas complètement la parapsychologie ?
Les problèmes sont réels mais pas aussi graves. Après tout, une situation similaire est présente en psychologie. Lorsque les psychologues tentent d’expliquer le comportement humain, ils considèrent une multitude de facteurs incluant : les traits de personnalité, l’éducation, l’ascendance génétique, la physiologie, la structure cérébrale, les croyances, l’arrière-plan culturel, et littéralement des centaines d’autres variables. Elles interagissent et interfèrent toutes les unes avec les autres. Aucun facteur isolé ou groupe spécifique ne permet de prédire absolument une action humaine. Et pourtant, les psychologues continuent à mener des études, et font quelques progrès.
De la même façon, des progrès sont faits en parapsychologie. Dans plusieurs cas sur le terrain, il n’y a que peu d’hésitation pour attribuer un effet à un individu spécifique. Dans les cas de médiumnité ou de poltergeist, les événements paranormaux se produisent typiquement lorsqu’une certaine personne est présente. Si un sujet psi a des résultats consistants en guérison psi, il y a à nouveau peu de débat pour savoir s’il en est bien la cause première. Ou, si une personne décrit un lieu éloigné et inconnu, en donne des détails, il n’y aura pas de problème pour dire que cet individu a eu une expérience psi. Dans de tels cas, cela fait sens d’attribuer les effets psi à leur source apparente.
En étudiant de tels individus apparemment doués, ou même des personnes ordinaires, des traits communs peuvent être trouvés. Bien sûr, on doit être prudent lorsqu’on interprète les résultats provenant d’un seul expérimentateur (qui peut avoir certaines attentes pouvant causer des biais), mais quand une variété de chercheurs trouvent un trait similaire, la potentialité de l’expliquer par l’influence de l’expérimentateur s’amenuise. Dans de tels cas, les résultats peuvent raisonnablement être attribués aux sujets.
En fait, un certain nombre de facteurs psychologiques se sont révélés influents sur la performance à l’ESP. J’ai déjà mentionné que l’aspect facilitateur des états modifiés de conscience. Les extravertis ont tendance à être meilleurs que les introvertis, et ceux qui croient à l’ESP tendent à avoir de meilleurs scores que ceux qui n’y croient pas. Etre spontané dans ses réponses aide aussi. Il y a une quantité énorme de recherches sur ces sujets, le tout étant bien trop vaste pour être résumé ici. John Palmer a publié un article de synthèse de 185 pages sur les découvertes de la recherche ESP dans le volume 2 des livres Advances in Parapsychological Research édité par Stanley Krippner. C’est un bon point de départ pour toute personne souhaitant se familiariser un peu plus avec la recherche parapsychologique sur les variables qui influencent l’ESP.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, l’expérimentation a consommé la plus grande partie des ressources de ce champ, et la recherche empirique a globalement été dominée par une approche psychologique typique de ce qu’on trouve dans les départements de psychologie des universités américaines. Cela se révéla efficace pour identifier les variables qui affectent la performance psi, même si cela resta limité. Cette approche est réductionniste, car focalisée sur les individus sans rendre compte des aspects qui permettraient d’intégrer ces phénomènes à l’ensemble des connaissances. Il y a un besoin d’une compréhension élargie.