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Psychologie et Parapsychologie

Psychologie et Parapsychologie

Cet article éclaire les relations entre la psychologie et la parapsychologie. Pour une approche plus complète, lisez l’article Contributions de la parapsychologie à la psychologie du même auteur.


Caroline Watt Ph.D.

(Pour une biographie de notre invitée dans ce blog, Dr. Caroline Watt, cliquez ici.)

Comme on pourrait le deviner à partir de la terminologie, les disciplines de la psychologie et de la parapsychologie ont beaucoup en commun. La psychologie dérive du grec psychê (âme, esprit) et logos (discussion rationnelle). Comment le traduit-on en termes modernes? Un rapide coup d’oeil dans quelques livres de psychologie donnent les définitions suivantes de la psychologie: « l’étude scientifique de l’expérience et du comportement, et des processus mentaux et comportementaux ». Le préfixe para vient aussi du grec, signifiant « aux côtés de » ou « au-delà de ». La parapsychologie peut être définie comme l’étude « des anomalies apparentes du comportement et de l’expérience qui ne sont pas expliqués par les mécanismes actuellement connus » (cliquez ici pour un glossaire des termes et méthodes en parapsychologie extrait du site web de la Parapsychological Association, et ici pour le blog #1 de la Parapsychology Foundation, « Qu’est-ce que la parapsychologie ? »).

Afin de comprendre la relation entre la parapsychologie et la psychologie, il est utile de faire un peu d’histoire. La parapsychologie moderne pourrait être vue comme une sorte d’extension, ou de dérivé de la psychologie. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Il y a plus d’un siècle, la démarcation entre la psychologie et ce qui appelé « la recherche psychique » était moins claire.

La psychologie expérimentale commença avec Wilhelm Wundt, le fondateur du laboratoire de psychologie à Leipzig en 1879. L’accent était mis sur la compréhension des perceptions humaines, des fonctions cognitives et motrices, utilisant pour cela l’analyse statistique des données résultant d’expérimentations. Aussi bien sur le continent Européen qu’aux Etats-Unis, beaucoup de psychologues expérimentalistes travaillèrent avec une perspective scientifique dans laquelle la nature est compréhensible à travers des observations minutieuses et la découverte de lois mécaniques. Pourtant, en Angleterre, un groupe de penseurs dissidents sentit que le modèle mécaniste prévalent avait réduit de façon dommageable le rôle de l’esprit dans la nature. Des Historiens tels que Oppenheim (1985) ont avancé l’hypothèse selon laquelle ce groupe a exercé une forte influence sur le développement de la psychologie.

Frédéric Myers (pour une liste de liens cliquez ici et pour une bibliographie des travaux sur et à propos de Myers cliquez ici), Henry Sidgwick, et Edmund Gurney étaient des académiciens respectables de premier plan qui essayèrent d’appliquer les méthodes scientifiques à l’étude d’une grande variété de phénomènes mentaux. Ils étaient les artisans principaux de la Society for Psychical Research fondée à Londres en 1882. Par exemple, ils étudièrent la survivance de la personnalité humaine après la mort, et d’autres phénomènes anormaux associés au mesmérisme et au spiritualisme, incluant les manifestations physiques étranges qui ont été signalées lors de séances se déroulant avec des médiums spiritualistes. Ces phénomènes sont aujourd’hui associés à la parapsychologie mais les premiers chercheurs considérèrent que ces sujets avaient une place légitime dans la psychologie académique (Oppenheim, 1985). Ce groupe de penseurs défia les programmes réductionnistes et mécanicistes qui prenaient place en psychologie.

Toutefois, avec la popularité croissante du spiritisme comme divertissement de salon Victorien, et l’exposition de médiums spirites frauduleux, beaucoup des scientifiques orthodoxes ont pensé qu’il fallait se distancer de la recherche psychique (Coon, 1992). Ainsi, psychologie et recherche psychique se séparèrent. Mais la psychologie moderne porte encore la trace de ses origines communes avec la recherche psychique. Plusieurs historiens ont démontré de façon convaincante l’influence des chercheurs des sciences psychiques sur le développement des concepts de ce que deviendrait la psychologie universitaire. Les études de Gurney et Myers de l’hypnose et des médiums servirent à établir les concepts de dissociation et de subconscient (Alvarado, 2002, 2005 ; Kelly, 2001). Pierre Janet et Alfred Binet étaient intéressés par la pathologie de la médiumnité, et cela les conduisit à développer des concepts de la psychopathologie et de la psychiatrie (Crabtree, 1993). Et dans son travail Histoire de la découverte de l’inconscient (1970), Ellenberger conclut que l’intérêt porté aux phénomènes psi et au spiritisme avait fortement influencé le développement des conceptions psychologiques de l’esprit.

Comment les deux disciplines interagissent de nos jours? Je pense qu’il est juste de dire qu’une trêve difficile a été déclarée. Aux Etats-Unis, la parapsychologie est rarement représentée dans les départements de psychologie des universités. Ceci peut être en partie dû à l’héritage de J.B. Rhine (souvent considéré comme le fondateur de la parapsychologie expérimentale dans les années 30), dont le « Parapsychology Laboratory » faisait partie, au départ, de la Duke University à Durham, en Caroline du Nord. Rhine réussit à lever des fonds pour rendre son laboratoire indépendant de l’université, et il semble que les liens de la parapsychologie avec Duke furent rompus d’un commun accord. Les travaux de Rhine continuèrent, alors qu’il créait la « Foundation for Research into the Nature of Man », mais ceci représenta un recul dans la politique d’origine de Rhine et de son mentor William McDougall qui était d’infiltrer les universités américaines. C’est donc pour cela que, ces dernières années, la parapsychologie aux Etats-Unis a eu tendance à être étudiée dans des laboratoires privés.

Sur le continent Européen et en Angleterre, la parapsychologie a trouvé plus facilement une place dans les départements universitaires de psychologie. La plus connue de toutes est certainement la chaire de parapsychologie établie depuis 1985 à l’université d’Edimbourg, et autour de laquelle s’est développé un groupe de chercheurs connu sous le nom de la Koestler Parapsychology Unit. En effet, de longues années avant que la chaire s’établisse à Edimbourg, un de ses membres, le Dr. John Beloff, menait des recherches en parapsychologique et supervisait des étudiants en doctorat qui faisaient des thèses portant sur des questions parapsychologiques. Depuis, une douzaine d’étudiants ont passé leur doctorat à Edimbourg, traitant souvent de questions entremêlant psychologie et parapsychologie.

Un petit coup d’oeil à quelques sujets étudiés par l’unité doctoral de la chaire Koestler donne un aperçu de la manière dont la parapsychologie et la psychologie peuvent se chevaucher. Mon travail comparait des perceptions subliminales à des perceptions extrasensorielles. En 1989, Dr. Konrad Morgan étudiait l’interaction homme-ordinateur (incluant la possibilité des effets paranormaux sur les ordinateurs). En 1992, le Dr. Robin Taylor essaya d’améliorer les performances d’athlètes et de sujets psi en usant de stratégies mentales basées sur l’imagerie. En 1992 également, Dr. Richard Wiseman (aujourd’hui maître de conférences à l’université de Hertfordshire) étudia les applications de la théorie des schèmes pour évaluer les déclarations des voyants. En 1995, Dr. Chris Roe (actuellement maître assistant en psychologie à l’université de Northampton) étudia la persuasion dans le contexte de la lecture paranormale. En 1997, Dr. Carlos S. Alvarado (devenu aujourd’hui Professeur Assistant dans la recherche en médecine psychiatrique au sein de l’unité d’études de la personnalité de l’université de Virginie, et également le directeur des programmes nationaux et internationaux de la « Parapsychology Foundation ») fit des recherches sur les caractéristiques psychologiques et phénoménologiques des expériences de hors-corps (O.B.E.). Ceci n’est qu’une petite sélection, mais elle montre non seulement les différentes façons dont la parapsychologie et la psychologie se chevauchent, mais aussi que l’on peut progresser dans une carrière universitaire en ayant étudié des sujets de parapsychologie.

Si par hasard un étudiant voulait aller plus loin dans l’étude de la parapsychologie, quelques précautions devraient être prises. Malgré quelques articles attrayants supportant l’hypothèse psi (par ex., Bem & Honorton, 1994), je pense que la majorité des scientifiques reste encore à être convaincue que les parapsychologues ont mis en évidence un effet psi reproductible. C’est pourquoi une controverse perdure concernant cet aspect de la parapsychologie qui vise à donner des explications paranormales aux expériences apparemment « psi » des gens. En tant qu’étudiant, mettre tous les oeufs dans le même panier pourrait être préjudiciable si, dans le futur, les preuves accumulées dans le corpus parapsychologique tendent à ne pas soutenir l’hypothèse psi. Le professeur Robert Morris, qui dirigeait la chaire Koestler de parapsychologie jusqu’à sa mort en 2004, encourageait toujours ses étudiants en doctorat à incorporer la psychologie universitaire au même titre que la parapsychologie dans leurs thèses. Il sentait que cela leur donnerait un champ d’expertise plus large au vu du peu d’opportunités de carrière en parapsychologie (Pour ceux qui pensent préparer une thèse en parapsychologie, voyez la liste des sujets de thèse et dissertations suggérés par la Parapsychology Foundation).

Que le psi authentique existe ou non, les sondages démontrent qu’un très large pourcentage d’individus rapporte des expériences ou des croyances paranormales. Ce fait seul suggère que les psychologues et les parapsychologues ont encore tout un travail excitant et potentiellement fructueux à accomplir, afin de mieux comprendre ces expériences et ces croyances. Il reste un grand chemin à parcourir dans l’élaboration de la phénoménologie et pour déterminer les causes et les conséquences des expériences paranormales, et aujourd’hui les psychologues prêtent une grande attention à ce sujet auparavant négligé (e.g., Cardeña, Lynn, & Krippner, 2000). Au moins, dans ce domaine, nous pouvons envisager que les futurs sentiers de la psychologie et de la parapsychologie convergent une fois de plus.

Références

Alvarado, C. S. (2002). Dissociation in Britain during the late nineteenth century: The Society for Psychical Research, 1882-1900. Journal of Trauma and Dissociation, 3, 9-33.

Alvarado, C. S. (2005). On the centenary of Frederic W. H. Myers’s Human Personality and Its Survival of Bodily Death. Journal of Parapsychology, 68, 3-43.

Bem, D. J., & Honorton, C. (1994). Does psi exist? Replicable evidence for an anomalous process of information transfer. Psychological Bulletin, 115, 4-18.

Cardeña, E., Lynn, S. J., & Krippner, S. (2000). Varieties of Anomalous Experience. Washington DC: American Psychological Association.

Coon, D. J. (1992). Testing the limits of sense and science: American experimental psychologists combat spiritualism, 1880-1920. American Psychologist, 47, 143-151.

Crabtree, A. (1993). From Mesmer to Freud: Magnetic Sleep and the Roots of Psychological Healing. New Haven, CT: Yale University Press.

Ellenberger, H. F. (1970). The Discovery of the Unconscious: The History and Evolution of Dynamic Psychiatry. New York: Basic Books.

Kelly, E. W. (2001). The contributions of F. W. H. Myers to Psychology. Journal of the Society for Psychical Research, 65, 65-90.

Oppenheim, J. (1985). The Other World. Spiritualism and Psychical Research in England, 1850-1914. Cambridge: Cambridge University Press.

Caroline Watt, Ph.D.
Koestler Parapsychology Unit
School of Philosophy, Psychology and Language Sciences
University of Edinburgh
7 George Square
Edinburgh EH8 9JZ
Scotland


A suivre : Blog #6 : Utilité de la littérature ancienne en parapsychologie