Bertrand Méheust, membre de notre Comité Directeur, a publié un nouvel ouvrage sur des questions contemporaines d’écologie. Ses analyses ne sont pas sans écho avec ses travaux antérieurs portant sur l’histoire de la psychologie et de la métapsychiqueLe mot métapsychique fut suggéré pour la première fois par M.W. Lutoslawski dans un écrit polonais : Wyklady Jagiellonskie, à Cracovie en 1902, pour désigner des notions assez différentes de celles de Charles Richet. En effet, lorsque celui-ci, dans son adresse présidentielle à la Society for Psychical Research, en 1905, présenta ce mot, il fut, dit-il, unanimement accepté. Quentendait-il par métapsychique ? De même quAristote avait intitulé son chapitre sur les grandes lois de la nature qui dépassent les choses physiques : meta ta fusica, métaphysique, de même il nomma métapsychique la science qui, dépassant les choses de la psychologie classique, étudie des faits qui "paraissent dus à des forces intelligentes inconnues", humaines ou non humaines, "en comprenant dans ces intelligences inconnues les étonnants phénomènes intellectuels de nos inconsciences". Bref, la métapsychique est, dit-il : "La seule science qui etudie des forces intelligentes". Doù résulte logiquement sa distinction entre la métapsychique objective qui "mentionne, classe, analyse certains phénomènes extérieurs perceptibles à nos sens, mécaniques, physiques ou chimiques, qui ne relèvent pas des forces actuellement connues et qui paraissent avoir un caractère intelligent", et la métapsychique subjective qui étudie des phénomènes psychiques non matériels tels que la lucidité, cette mystérieuse faculté de connaissance quil attribue à une sensibilité dont la nature nous échappe et quil propose dappeler cryptesthésie. Ces deux aspects, objectif qui étudie des forces et subjectif qui étudie des phénomènes psychiques, se retrouvent dans la définition générale que Charles Richet donne de la métapsychique : "La science qui a pour objet des phénomènes, mécaniques ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes ou à des puissances inconnues latentes dans lintelligence humaine ". Aujourd'hui le terme de métapsychique est a peu près synonyme de celui de parapsychologie., comme il l’indique lui-même dans cette interview dans Libération.
«En tant quhistorien de la psychologie, jai été très frappé durant ce Grenelle de lenvironnement par lanalogie entre la manière dont la médecine positiviste, au XIXe siècle, a récupéré le mesmérisme et la façon dont le « système », le marché, semploie aujourdhui à récupérer lécologie.
«Le mesmérisme, ce sont ces pratiques psychothérapeutiques nouvelles qui ont déstabilisé la psychologie au XIXe siècle, en permettant parfois la production de phénomènes psychiques inconnus comme la clairvoyanceConnaissance d'objets ou d'événements à distance sans l'intermédiaire des sens.. En 1842, lAcadémie de médecine a fini par les interdire totalement. Mais elles ont continué de se répandre dans la société, au point que linstitution était obligée de réagir.
«En 1878, le neurologue Jean-Martin Charcot a couvert de son immense autorité leur récupération, mais seulement sous la forme la plus acceptable, cest-à-dire lhypnotisme, en abandonnant toute la partie « sulfureuse », comme la lucidité magnétiqueLe terme de lucidité renvoie à la réception d'informations en paraissant saffranchir de tous les canaux connus, à certains moments privilégiés, et dans une série de conditions mentales très variables. Ce terme était utilisé par le courant du magnétisme et en métapsychique au début du siècle. Il a été remplacé par celui de "métagnomie" par Boirac (1908) puis Osty. Aujourd'hui on préfère les expressions perceptions extra-sensorielles et perceptions psi. par exemple. Lancien magnétisme animal a été recalibré pour être consommable par le positivisme fin de siècle.
«Eh bien avec le Grenelle de lenvironnement, ce qui est en train de se produire, cest une récupération des prévisions très pessimistes des écologistes sur le réchauffement climatique ou la perte de la biodiversité mais sous une forme recalibrée pour être compatible avec le mode de vie de notre société.»
Bertrand Méheust, La politique de l’oxymore (« Comment ceux qui nous gouvernent nous masquent la réalité du monde »). Paris : La Découverte, 2009.