par Djohar Si Ahmed
On sait maintenant que les états proches de la mort, vont souvent de pair avec des perceptions extrasensorielles. Ces observations justifient l’intérêt des parapsychologues pour les témoignages des personnes ayant vécu des » états de mort imminente » bien connus du public grâce aux travaux du Dr Raymond Moody et de Kenneth Ring.
Depuis les premiers écrits sur les NDE qui datent de la fin du 19ième siècle[3] s’est dégagée une image un peu idéalisée des conséquences psychologiques de telles expériences : changement radical de personnalité, découverte d’un mythe personnel dictant le destin du sujet, appétence intellectuelle, ouverture spirituelle, extrême compassion, amour universel, etc..
Effectivement, ces changements sont régulièrement observés. Cependant on sait aujourd’hui que la réalité est plus nuancée. Assez souvent, les suites de NDE dites positives, telles qu’évoquées plus haut, correspondent bien à ces descriptions. Mais il existe aussi des NDE négatives et des effets négatifs de NDE.
Les NDE négatives semblent renverser terme à terme toutes les caractéristiques cliniques et psychopathologiques de la NDE positive. Ce qui était amour, restructuration, union, narcissisation, effet symboligène, devient détresse, haine solitude, déstructuration, dispersion, horreur, effet diaboligène (dans son opposition étymologique à symboligène), perte de sens. Cet ensemble de données subjectives remet en question chez ces sujets la croyance en une mort synonyme de béatitude et d’union cosmique.
Dans les cas, apparemment les plus fréquents de NDE vécues de façon positive, l’intégration peut prendre de longues années au cours desquelles différentes problématiques et symptomatologies peuvent être observées et décrites :
Classiquement comme je viens de le dire, les experiencers changent radicalement leur mode d’être au monde, dans le sens d’une élévation de leur être. Tout d’abord disparition de toute angoisse liée à leur mort ou à celle des autres, ce qui contribue à changer la couleur de la vie. Changement dans la hiérarchie des valeurs. Les aspects matériels de l’existence passent au second plan, au profit de sentiments altruistes, écologiques, spirituels authentiques. Dans de nombreux cas cependant, il m’a été donné de rencontrer des personnes qui n’avaient absolument pas accédé à ces changements bien au contraire.
Hiatus entre des allégations de changement, d’amour universel et de compassion et la réalité du comportement : agressivité mal ou très mal contrôlée, inflation mégalomaniaque du moi, sentiment d’appartenir à une caste de privilégiés ; le tout cachant mal une détresse difficilement reconnue par eux. Ratage ou dérapage de ce qui chez d’autres est authentique changement. Tout se passe comme si, cette expérience de participation cosmique ce sentiment océanique, où la notion même de limites est absente, n’avait pu être dialectisé avec les nécessaires limites d’un corps réel réintégré, et avec les nécessités contraignantes de l’existence. Le sentiment océanique, loin d’être la référence à un paradis perdu qu’il sera possible de retrouver, est mis au service des exigences (inconscientes) mégalomaniaques du sujet.
Les différents éléments de la NDE et surtout élation, lumière, amour et communication sans mots, sur le mode fusionnel, permettent de comprendre les difficultés ressenties par ces experiencers lorsqu’ils réintègrent la vie:
L’incapacité d’un amour personnalisé et authentique consécutive à la nostalgie de ce sentiment d’amour inconditionnel ressenti si intensément. Alors qu’ils ressentent un amour pour le monde entier, leurs proches se plaignent de leur froideur, de leur incompréhension.
Les difficultés ou l’impossibilité d’accepter de nouveau les contraintes et les limites spatio-temporelles, eu égard à ce souvenir du vécu de fusion et d’absence de limites.
L’ouverture du champ de conscience, corrélative du vécu de communion, et de compréhension du monde, des êtres et des relations qui régissent l’univers, amènent ces sujets à s’identifier trop massivement aux autres. Ils fonctionnent comme une véritable éponge psychique, disposition qui les rend totalement inaptes à prendre des attitudes définies, tranchées ou invigoratives. Inaptes donc à assumer certaines obligations socio-professionnelles.
Les perceptions paranormales qui débutent dés la décorporation, la Connaissance révélée et immédiate pendant l’expérience, la relation avec les êtres de lumière, avec un guide, laissent une empreinte indélébile chez le sujet, qui de retour à la vie, continue souvent à entendre, percevoir de façon télépathique et prémonitoire les évènements de l’existence. Ainsi apparaissent ou se déploient des capacités dont les sujets ne savent que faire : dons de guérison, de voyance entraînant soit la peur, soit une attitude mégalomaniaque de toute puissance. Les experiencers deviennent ainsi, à leur insu, de véritables sujets PSIThouless et Wiesner ont introduit en 1942 lexpression "Phénomène psi" (et non "psy"), de la lettre grecque Psi, qui se voulait un terme neutre simplement destiné à désigner le "facteur inconnu" dans les expériences de parapsychologie, en opposition avec les communications sensori-motrices habituelles. On utilise ainsi le terme psi comme signifiant de façon générale une communication anormale avec lenvironnement (perceptions extra-sensorielles ou psychokinèse). On utilise fréquemment en parapsychologie les expressions de sujet psi, de perceptions psi et de phénomènes psi., souvent dépassés par ces facultés.
C’est dans ce contexte que peut être proposée une aide, un accompagnement psychothérapique spécifique. Il est cependant encore difficile d’admettre pour la plupart des experiencers, que cette NDE puisse avoir un sens par rapport à leur trajectoire et au moment où elle est advenue. Encore moins que l’intégration de cette expérience puisse poser problème. Probablement en raison de l’exploitation de l’événement par nombre de chercheurs qui en ont fait des » témoins » et se sont situés de ce fait dans une position de demandeurs. Tout s’est donc mis en place, ces dernières années pour valoriser à l’extrême ces expériences et ceux qui ont eu le privilège de les vivre, avec les conséquences que l’on peut déplorer.
Et pourtant, l’intégration positive d’une NDE peut revêtir un aspect initiatique. Comme dans toute initiation, il s’agit d’un passage, d’une épreuve ou d’une série d’épreuves qu’il va falloir surmonter pour s’en trouver grandi. Le lien a souvent été fait avec la naissance, autre passage, autre tunnel, autre ouverture vers la lumière, processus que l’on peut considérer lui aussi comme une épreuve initiatique, la première de toutes.
[1] NDE est l’expression américaine la plus utilisée pour désigner cette expérience. En français, certains ont proposé le sigle EMI pour Expériences de Mort Imminente ou EFM, pour Expériences aux Frontières de la Mort. [2] De nombreux témoignages font état d’expériences subjectives, en tout point superposable aux NDE, sans pour autant que ces expériences surviennent dans un contexte de mort clinique. [3] Albert Heim, géologue suisse avait présenté, en 1892 à son Club alpin, une communication relatant l’expérience subjective vécue par lui, puis par d’autres alpinistes, lors de chutes quasi mortelles en montagne