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Le paranormal : preuves et implications

Le paranormal : preuves et implications

Cet article, rédigé par la statisticienne Jessica Utts et le prix Nobel de physique Brian Josephson, a été publié en 1996 dans le Times. Les deux auteurs développent la thèse selon laquelle les travaux effectués en parapsychologie jusqu’au milieu des années 1990, que ce soit dans les domaines civil ou militaire, ont mis en évidence des effets psi qu’il est nécessaire de tenter d’expliquer scientifiquement.


Jessica Utts, professeur de statistiques à l’Université de Californie (Davis), fut pendant l’été 1995 l’un des deux experts nommés par la CIA pour analyser un programme de parapsychologie long de vingt ans effectué par le gouvernement américain. Elle a récemment publié un livre : Seeing Through Statistics, Duxbury Press, 1996, destiné à améliorer la compréhension des études statistiques. Brian Josephson, Prix Nobel, est professeur de physique à l’Université de Cambridge et dirige un projet d’unification de l’esprit et de la matière (Mind-Matter Unification Project) au laboratoire de Cavendish (Cambridge).

Ceux qui reconnaissent que les importantes découvertes scientifiques ont souvent pour origine des observations qui ne concordent pas avec les prévisions, trouveront intéressant l’ensemble des expériences lors desquelles il a été possible d’induire des processus psi avec des sujets non doués. Ces résultats sont d’autant plus convaincants quand les sujets sont sélectionnés.

Dans l’une de ces expériences (le Ganzfeld), une photographie ou une séquence vidéo « cible » est choisie au hasard parmi quatre cibles possibles. Un « émetteur » (appelé aussi « agent ») tente de la transmettre mentalement et il est ensuite demandé au « récepteur » (appelé aussi « percipient ») de décrire, par écrit ou oralement, ce qu’il a pu voir de la cible. On lui présente alors les quatre possibilités, et le sujet sélectionne celle qu’il pense le mieux correspondre à ce qu’il a perçu. Le hasard seul nous laisserait espérer un taux de réussite moyen de un sur quatre. En réalité, les expériences montrent généralement un taux de succès considérablement supérieur d’environ un sur trois.

La récente déclassification du programme de parapsychologie du gouvernement américain (d’expériences de vision à distance, le « remote viewing« , comparables au type d’expérience décrit précédemment sauf que l’on fait appel à des juges indépendants pour apprécier les correspondances au lieu de demander aux sujets de juger eux-mêmes) a permis d’établir une comparaison entre les résultats de ce programme avec ceux décrits dans les revues scientifiques. Malgré des différences dans la façon de juger, les taux de succès étaient similaires. De plus, nombre d’expériences gouvernementales utilisaient des sujets doués. Le taux de succès était alors encore supérieur, souvent au dessus de quarante pour cent. Le peu d’expériences publiées par des revues scientifiques et utilisant des sujets doués avaient des taux de succès similaires.

Par le passé, les sceptiques ont tenté de discréditer les résultats positifs de la parapsychologie, allégant le manque de reproductibilité. Cependant, comme toute personne ayant une formation en statistiques le sait, même quand une incidence existe réellement, une expérience isolée avec un nombre insuffisant d’essais ne peut démontrer un effet statistiquement significatif. De la même façon, sans une analyse plus poussée, « l’échec à reproduire un effet » n’en établit pas l’absence. Admettons, par exemple, que les capacités psi, en accord avec les résultats décrits précédemment, augmentent les chances de succès de 1/4 à 1/3. Alors (selon les théories statistiques classiques), une expérience comportant 30 essais, ce qui était le cas de celles-ci, aurait moins de 17% de chance d’obtenir un résultat statistiquement significatif. Les expériences les plus récentes et de plus grande envergure ne comportent encore qu’une centaine d’essais, et n’ont qu’une probabilité de 57% d’arriver à un résultat statistiquement significatif.

L’analyse détaillée de l’ensemble des expériences sur ce genre de phénomène montre que la seule caractéristique commune, en dépit des changements d’équipement, d’expérimentateurs, de sujets, de juges, de cibles et de laboratoires, est la constance du taux de succès de 1/3, déjà mentionné, plus fréquent que le résultat attendu d’une chance sur quatre. Une telle persistance est la caractéristique d’un effet authentique, et cela, ajouté à la probabilité très basse que le taux de succès global soit dû au hasard, argumente fortement en faveur de la véracité des phénomènes et non de leur invention.

Le réexamen d’autres types de recherches psi révèle qu’elles sont également parvenues à des effets reproductibles, lesquels étaient largement sous-estimés en raison d’une médiocre compréhension des statistiques. Ainsi, une analyse des expériences de divination précognitive à l’aide de cartes, et autres expériences à « choix-forcés », publiée par Honorton et Ferrari dans le Journal of Parapsychology, montra que les sujets doués étaient capables d’obtenir régulièrement un taux de succès d’environ 27% alors que l’on ne pourrait attendre qu’un résultat de 25% si le hasard seul avait joué. Il s’est avéré que des expériences similaires, faites par le gouvernement américain, ont atteint le même pourcentage de succès pour des milliers d’essais. Si le hasard seul était l’explication de ces résultats, il serait véritablement extraordinaire d’obtenir un taux de succès de 27% pour des milliers d’essais, et il serait encore plus extraordinaire de trouver des résultats identiques dans le travail du gouvernement. Pour de plus amples détails sur les preuves récentes, incluant à la fois un avis favorable et un avis sceptique sur les expériences gouvernementales américaines, consultez le volume 10 du Journal of Scientific Exploration
D’importants résultats statistiques sont bien sûr dénués de sens si les expériences n’ont pas été conduites convenablement. Les détracteurs de la parapsychologie aiment à mettre en avant les très rares expériences repérées comme ayant de sérieux biais. Mais ils ignorent le fait que la vaste majorité des expériences ont été faites en utilisant d’excellents protocoles, en faisant particulièrement attention aux indices sensoriels potentiels, en utilisant des générateurs de nombres aléatoires (GNA) bien testés, etc.

Durant la dernière décennie, les expériences du gouvernement américain étaient supervisées par un comité scientifique de haut niveau, constitué d’universitaires respectés dans diverses disciplines, à qui l’on demandait de critiquer et d’approuver les protocoles à l’avance. Par la suite, aucune explication n’a pu permettre à un observateur honnête de nier que des résultats cohérents s’accumulaient constamment.

Quelles sont les implications scientifiques du fait que le psi apparaisse être un effet réel ? Ces phénomènes semblent mystérieux, mais peut-être pas plus mystérieux que n’importe quels phénomènes étranges du passé que la science a heureusement incorporé dans son champ. Quels concepts pourraient être pertinents pour étendre la science de façon appropriée en vue de prendre en compte ces phénomènes ? Deux de ces concepts sont ceux de l’observateur, et de la non-localité. L’observateur force son chemin dans la science moderne car les équations de la physique quantique, si elles sont prises littéralement, impliquent un univers qui est constamment en train de se diviser en branches séparées et seule l’une d’entre elles correspond à notre réalité perçue.
Un processus de « décohérence » a été invoqué pour empêcher deux branches d’interférer entre elles, mais cela ne répond pas encore à la question de pourquoi notre expérience viendrait d’une branche particulière et non d’une autre. Il se pourrait, malgré l’impopularité de cette idée, que ceux faisant l’expérience de la réalité soit aussi ceux qui la sélectionnent.

Cette idée n’a peut être de sens qu’à la lumière de théories présupposant que la théorie quantique n’est pas la théorie fondamentale de la nature, mais implique (de manière mathématiquement précise dans certaines versions) les manifestations d’un « domaine subquantique » plus profond. De la même façon qu’un surfer peut utiliser n’importe quelle vague pour voguer sans efforts, un voyant pourrait être capable de diriger une énergie aléatoire au niveau subquantique pour ses buts personnels. Certains comptes-rendus sur le niveau subquantique comportent une action à distance, ce qui s’accorde bien avec certaines prétendues capacités psi.

Ces propositions sont bien entendu extrêmement spéculatives. Mais, dans tous les cas, les phénomènes psi doivent être intégrés dans le cadre de la science (notamment au niveau quantique) plus radicalement que ce n’est le cas aujourd’hui. Les recherches de Lawrence LeShan (décrites dans son livre The Medium, the Mystic and the Physicist) dans lesquelles des entretiens avec des voyants révèlent qu’ils étaient conscients d’une « hiérarchie d’interconnexions significatives », fournit peut-être une idée de ce qui pourrait être impliqué. La science a une faible compréhension de concepts tels que ces interconnexions significatives puisqu’elles sont étrangères à sa manière de pensée habituelle. Peut-être sera-t-il nécessaire de surmonter ses aversions actuelles envers ce type de notions pour un jour expliquer ces phénomènes.