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La parapsychologie hier, aujourd’hui, demain

La parapsychologie hier, aujourd’hui, demain

Par Hubert Larcher

Exposé présenté au Premier Salon de l’insolite, organisé dans le cadre de la Foire Internationale de Lille, le 6 novembre 1981. Publié dans la revue métapsychique (1983).


Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

L’insolite, du latin insolitus, de même racine que insolent, est ce qui étonne, surprend par son caractère inaccoutumé, contraire à l’usage, aux habitudes » (1).
C’est ainsi que certaines configurations qui sortent de l’ordinaire, qui sont extraordinaires, bien que naturelles, provoquent chez les hommes le sentiment d’une relation avec des puissances maléfiques et bénéfiques évoquées par la toponymie cuvettes des sorcières et cheminées des fées, Trou du diable et Doigt de Dieu.

C’est ainsi que ce qui n’arrive pas tous les jours, l’inattendu qui paraît un jeu du hasard, est qualifié de chance ou de malchance par celui qu’il affecte. Et si l’événement insolite se répète de manière improbable, sans cause connue, il pensera que cette répétition cache une mystérieuse « loi des séries ».

Que la série d’événements soit fâcheuse, il parlera des « coups du sort » et même ira jusqu’à soupçonner un « jeteur de sorts » d’en être l’instigateur.
Qu’elle soit heureuse, il se sentira né sous une « bonne étoile ».Qu’en un instant privilégié des circonstances viennent coïncider avec ses instances, il y verra l’effet d’une grâce providentielle.

Aux 16° et 17° siècles, les Anglais publient des collections de « Providences. », c’est-à-dire de phénomènes ou d’événements physiques, psychiques ou synchroniques insolites pouvant – à leurs yeux – être considérés comme des manifestations de rétribution, de prévenance ou d’assistance divines.

Dès 1657, Matthew POOLE inspire aux Platoniciens de Cambridge l’intention de les enregistrer de manière systématique et critique. Face au matérialisme anti-religieux de Thomas HOBBES, Henry MORE, de 1653 à 1681, affine son esprit critique2, pensant avec Joseph GLANVILL3 que les manifestations surnaturelles ne doivent être acceptées qu’avec prudence, celles qui résisteront à l’examen pouvant avoir d’importantes conséquences sur notre conception de l’homme et de sa place dans l’univers.
Plus religieuse que scientifique, cette démarche prépare et préfigure ce goût de la recherche psychique demeuré si vif à Cambridge que Trinity College en devint le centre mondial d’où surgirent les pionniers de la Society for Psychical Research, fondée en 1882, dont, l’an prochain, nous fêterons le centenaire.

En effet, F.W.H. MYERS, GURNEY, SIDGWICK et HODGSON réagiront tous contre le matérialisme anti-religieux de leur temps de la même manière que MORE avait réagi contre celui de HOBBES (4). II ne faut donc pas s’étonner de ce que le Platonicien MYERS ait proposé le terme de supranormal, vers 1896, dans son livre : La personnalité humaine, sa survivance, ses manifestations supranormales (5), dont la conclusion se termine par l’esquisse provisoire d’une synthèse religieuse (6).

Et ce n’est qu’ultérieurement que Whately CARINGTON a substitué au mot supranormal le mot: paranormal, presque exclusivement utilisé de nos jours.

En France, le docteur Xavier DARIEX fonda les Annales des Sciences Psychiques en 1890, puis trois français devinrent présidents de la Society for Psychical Research : le professeur Charles RICHET en 1905, le professeur Henri BERGSON en 1913 et l’astronome Camille FLAMMARION en 1923.

Si j’ai pris pour thème de cette introduction le rappel historique du courant platonicien de Cambridge, c’est d’abord parce qu’il présente une cohérence et une continuité exemplaires à travers plusieurs siècles et jusqu’à nos jours.

C’est aussi parce qu’il serait intéressant de comparer son évolution, du « providentialisme » religieux de plus en plus critique vers une recherche psychique de plus en plus scientifique, avec celles d’autres courants : rappelons, en ce sens, les règles de la critique des miracles établies par Prosper LAMBERTINI, le futur pape Benoît XIV, dans son livre De servorum, Dei beatificatione, et beatorum canonizatione, paru en 1734 (7). Mentionnons aussi Solomon MAIMON (1753 – 1800), précurseur de la parapsychologie scientifique8, si rationnel qu’il fut – à tort – accusé d’athéisme par ses coreligionnaires (9). Enfin le courant spirite, né de manifestations paranormales survenues chez les sœurs FOX, à Hydesville en 1847, qui tend à adopter une attitude scientifique vis-à-vis de ces phénomènes.
Tous ces courants ont préparé le terrain de ce qu’il est convenu d’appeler actuellement la parapsychologie, dont je vous propose maintenant d’examiner l’évolution contemporaine,

hier à la recherche de définitions, aujourd’hui suscitant une guerre des paradigmes, demain orientée vers la conquête d’un supplément d’âme.

I – HIER : Le temps des définitions

Les phénomènes insolites qui font l’objet de notre attention dépassent si largement le champ de la seule psychologie paranormale que l’on peut aisément comprendre la réaction de certains professeurs de psychologie lorsqu’ils refusent de les intégrer dans leur discipline.

Derrière le mot : parapsychologie, il faut bien s’entendre sur la chose désignée par lui, et même sur les sous-entendus impliqués dans les diverses définitions de son objet.

Aussi, je crois que la meilleure manière de présenter les approches de sa definition est de la comparer à celles de ses voisines, apparues après elle dans l’ordre historique suivant – parapsychologie et paraphysique – métapsychique – psychotronique.

Parapsychologie et paraphysique

C’est en 1889 que l’Allemand Max DESSOIR proposa les termes de parapsychologie pour « caractériser toute une région frontière encore inconnue qui sépare les états psychologiques habituels des états pathologiques », et de paraphysique pour désigner des phénomènes objectifs qui paraissent échapper aux lois de la physique classique (10).

On comprend aisément la difficulté du développement des recherches en paraphysique, tandis qu’en ce qui concerne la parapsychologie, on savait qu’il existe des états psychologiques inhabituels qui ne sont pas pathologiques. Et si nous nous rappelons que ce fut en cette même année, 1889, que parut en France L’automatisme psychologique de Pierre JANET, on comprendra aisément que les frontières de la parapsychologie soient restées longtemps imprécises.
En 1929, un étudiant allemand suivit les cours de Pierre JANET au Collège de France, prit contact avec lui et conçut ainsi le projet d’écrire une thèse sur les automatismes psychologiques, qu’il soutint en 1933. Puis, devenu professeur à l’université de Fribourg-en-Brisgau, il fonda un organisme de recherches parapsychologiques auquel, fidèle à la définition de Max DESSOIR, il donna le nom d’institut für Grenzgebiete der Psychologie und Psychohygiene. C’est le professeur Hans BENDER.

En 1932, le zoologiste philosophe allemand Hans DRIESCH utilisa le mot parapsychologie dans le titre d’un de ses ouvrages consacré à ce sujet, et depuis, il est resté utilisé dans les pays de langue allemande.

Aux Etats-Unis d’Amérique, c’est un homme issu du courant de Cambridge, William Mc DOUGALL, qui ouvrit la voie universitaire. En effet, c’est à sa suite et avec son concours qu’en 1934, le professeur Joseph Banks RHINE donna le nom de Parapsychology laboratory à la section de psychologie qu’il dirigeait à l’université de Duke, en Caroline du Nord. En 1937, il publiait dans son livre New Frontiers of the Mind, les résultats statistiques de dizaines de milliers d’expériences quantitatives, vérifiées et admises par le congrès de l’Institut américain de statistiques mathématiques, qui démontraient l’existence des phénomènes de clairvoyance, de télépathie et de précognition.

Dès lors, à partir de ses travaux, publiés dans The Journal of Parapsychology, la recherche parapsychologique s’étendit rapidement à travers les États-Unis, et au-delà de ses frontières, si bien qu’en 1957 fut fondée la Parapsychological Association et que celle-ci fut affiliée en 1969 à l’Association Américaine pour l’Avancement des Sciences.

Cependant, c’est dès 1952 que, sous l’énergique présidence de Mrs Eileen J. GARRETT, la Parapsychology Foundation Inc., avait encouragé des recherches scientifiques dans le monde entier et organisa de nombreux échanges.
C’est ainsi que, grâce à cette fondation, fut réuni à Utrecht, en 1953, un premier Colloque international de parapsychologie, puis, en 1954, eurent lieu les premiers Entretiens de Saint-Paul-de-Vence, ville où Mrs GARRETT établit son quartier général européen et où eurent lieu de nombreux colloques.

Les comptes rendus et rapports de ces premières et fructueuses rencontres furent présentés en français par M. Robert AMADOU sous le titre : La science et le paranormal et publiés par l’institut Métapsychique International à Paris en 1955. D’autre part, M. Robert AMADOU publiait en 1954, chez Denoël, un véritable bilan sous le titre : La parapsychologie.

On peut donc dire que c’est, en très grande partie, grâce à Mrs GARRETT que la parapsychologie d’origine allemande revint des États-Unis, auréolée de science, vers l’Europe où Mr Robert AMADOU eut le mérite de la présenter en France. II présida avec le docteur Emilio SERVADIO un symposium consacré à l’étude des rapports entre psychologie et parapsychologie, à Royaumont, en 1956.

La région qui sépare les états psychologiques habituels des états pathologiques commençait à être mieux connue : ses frontières lui conféraient l’autonomie.

Métapsychique

On peut alors se demander pourquoi il a fallu un si long temps et un si grand détour pour qu’en France la parapsychologie reçoive une audience encore si restreinte dans les milieux universitaires et scientifiques que l’on ne peut pas encore dire qu’elle y ait vraiment droit de cité.

Pourtant, un Français, correspondant de l’institut, auteur en 1908 de La psychologie inconnue, puis, en 1917, d’un autre livre : L’avenir des sciences psychiques, avait repris le terme de parapsychologie. C’était Emile BOIRAC, recteur de l’académie de Dijon. Mais, en dépit de ses efforts, ce mot ne fut pas retenu par ses compatriotes qui boudèrent l’imprécision scientifique de sa définition.

C’est en 1905, alors qu’il était président de la Society for Psychical Research, que Charles RICHET proposa en France le terme de métapsychique, qui a été, dit-il, unanimement accepté. En 1919, il devint président d’honneur de l’Institut Métapsychique International (IMI), fondation Jean MEYER (11) reconnue d’utilité publique, dont la Revue Métapsychique prit la suite des Annales des sciences psychiques. En 1922, il publia chez Félix Alcan un Traité de métapsychique de 847 pages et le présenta, le 13 février, à l’Académie des sciences avec une communication qui ne fut pas acceptée au compte rendu de la séance. De 1930 à 1935, il fut président actif de l’institut Métapsychique international.

Qu’entendait-il par métapsychique? De même qu’ARISTOTE avait intitulé son chapitre sur les grandes lois de la nature qui dépassent les choses physiques « après les choses physiques : meta ta fusica, métaphysique, de même il nomma métapsychique la science qui, dépassant les choses de la psychologie classique, étudie des faits qui « paraissent dus à des forces intelligentes inconnues », humaines ou non humaines, « en comprenant dans ces intelligences inconnues les étonnants phénomènes intellectuels de nos inconsciences ». Bref, la métapsychique est, dit-il, la seule science qui étudie des forces intelligentes.

D’où résulte logiquement la distinction entre la métapsychique objective qui « mentionne, classe, analyse certains phénomènes extérieurs perceptibles à nos sens, mécaniques, physiques ou chimiques, qui ne relèvent pas des forces actuellement connues et qui paraissent avoir un caractère intelligent », et la métapsychique subjective qui étudie des phénomènes psychiques, non matériels.

Ces deux aspects, objectif qui étudie des forces, et subjectif qui étudie des phénomènes psychiques, se retrouvent dans la définition générale que Charles RICHET donne de la métapsychique : « une science qui a pour objet des phénomènes, mécaniques ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes ou à des puissances inconnues latentes dans l’intelligence humaine (12) ».
Ainsi, la métapsychique de Charles RICHET unifiait-elle tout en les distinguant, les deux concepts de Max DESSOIR : la parapsychologie et la paraphysique.

Physiologiste agrégé en 1878, professeur en 1887, membre de l’Académie de médecine en 1898, Prix Nobel de physiologie en 1913, membre de l’Académie des sciences en 1914, Charles RICHET confirmera sans équivoque, dans son avant-dernière leçon à la Faculté de médecine, le 24 juin 1925, que la métapsychique, science de faits inhabituels est « un fragment de la physiologie dont elle fait partie intégrante » qui doit observer une discipline « férocement et implacablement sévère. »

C’est ce souci de science et de méthode expérimentale qui animera les recherches de l’Institut Métapsychique international et les orientera vers l’observation et l’expérience de phénomènes objectifs. C’est ainsi qu’en 1930, le docteur Eugène OSTY et son fils Marcel réalisent sur la « force psychique » de Ruth SCHNEIDER des expériences capitales : d’une part, ils démontrent la réalité d’une substance invisible émanant du sujet, sa partielle opacité aux infrarouges entre 1 et 2 microns, et la variation de cette opacité, de 1 à 75 % en fonction des dispositions du sujet, établissant un pont parapsychophysique ; d’autre part, ils mettent en évidence graphique une corrélation entre les oscillations de l’absorption infrarouge et le rythme respiratoire du sujet en tachypnée, jetant ainsi un pont parapsychophysiologique (13).

II sera beaucoup plus difficile de saisir scientifiquement les faits de métapsychique subjective et d’y introduire une méthodologie expérimentale.

Aussi Charles RICHET préconise-t-il l’emploi des méthodes statistiques, dans un chapitre de son traité intitulé : Le hasard et le calcul des probabilités dans les faits métapsychiques, tout en lui attachant moins de valeur de preuve qu’au contrôle des faits.
C’est cette méthodologie qui assurera en France le développement scientifique de cette métapsychique subjective grâce aux recherches de René WARCOLLIER et de ses successeurs, et celui de la parapsychologie aux Etats-Unis d’Amérique grâce aux travaux du professeur RHINE et de son École, parapsychologie quantitative.

Psychotronique

La parapsychologie quantitative de RHINE et la métapsychique subjective de WARCOLLIER sont donc concordantes quant à leur méthodologie et à leurs résultats. Cependant, elles présentent des différences qui tiennent à leurs origines et à leurs tendances.
En effet, la parapsychologie de RHINE tire, avec Max DESSOIR, son origine de la psychologie tandis que la métapsychique subjective de WARCOLLIER tire, avec Charles RICHET, son origine de la physiologie. La première étudiera donc des phénomènes psychiques paranormaux chez l’homme et chez l’animal tandis que la seconde vise à étudier des forces intelligentes non limitées a priori à l’homme et à l’animal. Peut-être est-ce la raison pour laquelle l’École américaine et ses disciples en tous pays, même en France, tirent des résultats de leurs expériences quantitatives une théorie dite de l’Extra-Sensory Perception (ESP) que l’allemand traduit par Ausser Sinnliche Wahrnehmung (ASW), tandis que certains représentants de l’École française, dont je suis, se méfient de cette terminologie d’abord parce que la perception dite extra-sensorielle paraît préjuger implicitement de la nécessité ou de la suffisance de la sensation dans la nature de la perception normale et pathologique, ensuite parce qu’elle est trop abstraite pour inspirer et, a fortiori, encourager la recherche d’éventuels supports physiologiques, enfin parce que – dans le contexte français – elle risque de n’éveiller que méfiance et scepticisme de la part des scientifiques étrangers aux disciplines parapsychologiques, faute de bien préciser le rapport entre sensation et perception normales.
Cela est si vrai que certains spécialistes de la recherche dans le domaine du paranormal reprochent au mot même de parapsychologie d’être  » impropre et même insoutenable » si l’on veut parler d’une branche des sciences, parce que non seulement « il n’exprime pas le caractère interdisciplinaire, mais encore il ne reflète pas la composante énergétique indispensable (14) ».

Comme on ne peut cependant méconnaître le lien psycho-énergétique souligné en 1908 par le Russe Naum KOTIK15, puis, en 1920-1930, par Hans BERGER, enfin par S.W. TROMP en 194916, le docteur Zdenek REJDAK de Prague adopta le terme de psychotronique, suggéré par l’ingénieur français Fernand CLERC, pour désigner « les phénomènes dans lesquels l’énergie est dégagée par le processus de la pensée ou par la pulsion de la volonté humaine… (17) ».

PSYCHOTRONIQUE :

le vocabulaire technique s’enrichirat-il bientôt de ce nouveau terme ? Ce n’est pas impossible. Il nous est proposé, dans le numéro de novembre dernier de la « Vie des Métiers », par notre spirituel confrère et ami Fernand Clerc qui écrit notamment :

« Electricité, électronique, cybernétique, stéréotronique et ensuite? …Proposons Psychotronique, utilisation de la pensée et de la volonté.Les courants cérébraux sont décelés et mesurée au niveau du micro-volt. Des radiesthésistes et des yogis sont, dit-on, déjà en mesure, sans truchement, sans amplification, par la seule concentration de leur pensée, de faire tomber une goutelette à droite ou à gauche d’une lame de rasoir.
Le Dr ès sciences André Sainte-Lagué affirme que chacun de nous a la possibilité de produire à distance ces actions infinitésimales. Une pression de volonté bien abritée des perturbations extérieures ne sera pas longue à décencher relais et servo-moteurs.
Les lourdes portes de l’Exposition Universelle de Chicago furent ouvertes à’ l’heure dite par le passage de l’étoile Aldébaran à la place calculée par les astronomes.
Ce sera un jour la pensée du Président de la République qui actionnera les micro-circuits,imprimés,englobés des portes du Salon de la Psychotronique Appliquée.
Le mot est formé avec un rare bonheur étymologique. Si la « chose » devient réelle, on saura, grâce à Fernand Clerc, comment il faut l’appeler. (TOUTE LA RADIO, N° 192 du 12 janvier 1955.)

Le 18 mars 1967 fut constitué à Prague un groupe de coordination pour la recherche en psychotronique sous la présidence du professeur Jaroslav STUCHLIK, collaborateur de C.G. JUNG. En 1970, ce groupe devint la section de recherche psychotronique de la Société Scientifique et Technique Tchécoslovaque sous la direction du docteur Zdenek REJDAK. Celui-ci réunit à Prague, du 18 au 22 juin 1973, avec une très importante participation internationale, un premier Congrès pour la recherche psychotronique à l’issue duquel fut constituée une Association internationale pour la recherche psychotronique dont le deuxième congrès s’est réuni dans la principauté de Monaco, à Monte-Carlo, du 30 juin au 4 juillet 1975.

C’est à cette occasion que la définition de la psychotronique a fait l’objet d’une formulation approfondie, que l’on peut traduire en français comme suit :

« La psychotronique est la science qui, de manière interdisciplinaire, étudie les champs d’interactions entre les individus et leur milieu interne et externe ainsi que les processus énergétiques concernés. La psychotronique considère que la matière, l’énergie et la conscience sont liées entre elles. L’étude de cette interconnexion contribue à une compréhension nouvelle des capacités énergétiques de l’être humain, des processus vitaux ainsi que de la matière au sens large ».

Certains commentateurs, notamment le docteur Emilio SERVADIO, ont exprimé le regret de ne pas voir mentionné, dans cette definition, l’inconscient qui parait jouer un rôle si important dans la phénoménologie paranormale.
Selon le docteur Zdenek REJDAK, l’énergie psychotronique est capable aussi bien de transporter l’information que d’effectuer des actions physiques. Elle serait responsable d’un type particulier d’interaction sur laquelle reposerait l’unité qui soustend la diversité des phénomènes.
Il faut d’ailleurs rendre ici justice à la parapsychologie en soulignant que, née d’un concept purement psychologique, elle a su s’ouvrir à la physique en étudiant la psychocinèse, ce qui ne fait d’ailleurs que confirmer l’unicité des phénomènes subjectifs et objectifs et l’impossibilité de se cantonner dans une seule de ces deux catégories.

Cependant, comme la science classique, qui étudie les phénomènes normaux, entend se cantonner dans la seule catégorie des faits objectifs, les phénomènes insolites qui lui échappent ne peuvent que lui paraître insolents (18), ce qui nous met au cour des difficultés d’aujourd’hui.

II- AUJOURD’HUI : La guerre des paradigmes

Certes, la crédulité sans bornes des assoiffés de merveilleux, la virtuosité des illusionnistes et l’habileté des exploiteurs doivent inciter à une vigilance critique d’autant plus sévère que les phénomènes insolites observés sont plus rares, plus extraordinaires, plus anormaux.

Aussi peut-on parfaitement comprendre, voire approuver l’extrême scepticisme de ceux des membres de la « communauté scientifique » qui n’ont pu ni observer ni expérimenter personnellement de tels phénomènes.

Toutefois, entre ces deux extrêmes que sont le scepticisme et la crédulité, il y a place pour un examen objectif et serein, sans a priori, non seulement des faits insolites, mais encore des relations possibles entre l’univers objectif et le monde subjectif, entre celui de la science et celui de la conscience.
Aussi comprend-on difficilement l’agressivité déployée par certains représentants de la recherche scientifique française vis-à-vis de ceux de leurs confrères qui osent poser et se poser le problème des interactions entre ces deux mondes.

Il semble que ce soit le Colloque de Cordoue, organisé par FRANCE-CULTURE du 1er au 5 octobre 1979 sur le thème Science et conscience. Les deux lectures de l’univers (19), qui ait joué le rôle de détonateur. De cette rencontre entre des physiciens, des physiologistes, des psychologues et des philosophes, jaillit l’étincelle qui mit le feu aux poudres en soulevant non seulement des résistances et des hostilités scientifiques, mais encore des passions scientistes libératrices d’esprits facétieux.

C’est ainsi qu’outrepassant les limites de la controverse rationnelle, certains, et non des moindres, se sont laissés aller à imiter l’initiative d’un prestidigitateur américain, qui avait décerné une série de prix à des « sornettes pseudo-scientifiques » (20) en instituant à leur tour un « prix du roi des mages » destiné à récompenser « le scientifique qui aura le mieux divagué dans les sentiers du paranormal » (21).

Certes, l’humour est sain en soi. Mais il devient pervers lorsqu’il vise à ridiculiser. Publicitaire chez un illusionniste, il ne peut que déconsidérer les authentiques chercheurs de vérité qui s’abaissent à l’utiliser contre ceux des leurs qui osent franchir les bornes de leurs paradigmes.

Paradigme, du grec paradeigma, exemple, modèle, signifie pour les scientifiques un cadre de pensée propre à la compréhension et à l’explication du réel.
Le paradigme de la « communauté scientifique » française repose, à ce jour, sur le postulat de l’objectivité de la nature, ainsi que l’a précisé sans ambiguïté Jacques MONOD 22 : « seul est scientifique ce qui est objectif ».
En conséquence, les phénomènes de la métapsychique subjective : clairvoyance, télépathie, prémonition, n’ont pas plus de place dans ce paradigme que la conscience n’en peut avoir dans la psychologie behaviouriste (23).

Et, comme les phénomènes mécaniques de la métapsychique objective sont dus à des « forces qui semblent intelligentes » (24), c’est-à-dire qui coulent de sources subjectives, le scientisme est parfaitement cohérent lorsque, ne pouvant pas plus exclure ces faits objectifs de son paradigme que les y inclure, il ne lui reste plus qu’une issue : les nier à tout prix.

L’attitude scientifique expérimentale face aux phénomènes métapsychiques subjectifs consiste à tenter de démontrer objectivement leur réalité par le biais des méthodes statistiques, telles que les avait préconisées Charles RICHET et qu’elles furent appliquées par J.B. RHINE et son Ecole, avec les résultats positifs que l’on sait.

Dès lors, qu’il n’est pas rationnel de nier des faits subjectifs objectivés ni des effets objectifs de puissances subjectives, le problème demeure entier de savoir s’il convient de les exclure du paradigme scientifique ou de les y inclure.

Les psychotroniciens d’inspiration matérialiste les incluent en tentant de les réduire au modèle des interactions matérielles et énergétiques.
Les parapsychologues d’inspiration spiritualiste ont tendance à les exclure, ne les considérant comme des manifestations d’une puissance supérieure à ce modèle, d’où probablement, cette curieuse expression de « perception extra-sensorielle » par laquelle ils désignent les perceptions paranormales, comme si elles étaient indépendantes de la physiologie sensorielle.

Dès lors, Monsieur Willis H. HARMAN avait raison de dire, à Cordoue, que la science est « à la croisée des chemins » et qu’elle doit opter entre deux solutions : ou bien élargir son paradigme et l’ouvrir à la conscience, ou bien s’en tenir à son paradigme scientifique actuel, mais admettre le choix de société d’un paradigme complémentaire où situer les faits de conscience, quitte à harmoniser progressivement ces deux paradigmes (25). « Il est nécessaire que les deux yeux restent ouverts en même temps », observait, pour conclure, l’astronome Hubert REEVES (26).

Ce choix de société est en pleine gestation selon la journaliste Marilyn FERGUSON (27).

La métapsychique n’éprouve, quant à elle, aucune difficulté paradigmatique puisqu’elle dispose, dès le départ, de la définition de Charles RICHET qui unit sous un vocable unique la parapsychologie et la paraphysique de Max DESSOIR.
Cette unification des deux versants, subjectif et objectif, de la métapsychique exige un paradigme unique, englobant et les sujets et les objets, et tous les types d’interactions normales et paranormales susceptibles de les relier, sans, pour autant, qu’il soit question d’une réduction quelconque à un modèle idéologique préconçu.

Ce paradigme englobant peut être schématisé sous sa forme la plus simple telle que nous l’avons montrée antérieurement (28).

Si l’on élargit la définition primitive de la parapsychologie en disant qu’elle étudie non seulement les états psychologiques inhabituels non pathologiques, mais encore les phénomènes subjectifs et objectifs qui sont susceptibles d’en résulter – définition qui correspond bien à son état actuel de développement – on verra qu’elle rejoint dans la plus large mesure les définitions de la métapsychique et de la psychotronique en partageant avec elles un objet commun qui est l’étude de trois grandes catégories de phénomènes, information, communication, action, lorsque celles-ci se réalisent en l’absence de tous leurs supports, moyens, ou mécanismes habituels actuellement connus.

L’information paranormale est appelée clairvoyance bien qu’elle puisse aussi se manifester sous forme d’impressions sensorielles autres que visuelles comme dans la clairaudience, sous forme d’impulsions motrices comme dans la radiesthésie, ou sous forme de connaissances intuitives.
La communication paranormale est appelée télépathie. Elle établit un rapport entre un sujet émetteur appelé agent et un sujet récepteur appelé percipient. Si l’agent est actif et le percipient passif, le phénomène est appelé suggestion à distance. Si le percipient est actif et l’agent passif, il est appelé lecture de pensée. Tous les degrés d’activité et de passivité donnent lieu à des phénomènes intermédiaires.

L’action paranormale est appelée psychokinèse. Celle-ci comprend tous les modes d’actions psychiques sur les systèmes physiques sans médiations instrumentales ou énergétiques connues : déplacements paradynamiques d’objets, de sujets ou de substances et d’énergies, apparitions, disparitions ou apports objectifs, matérialisations, dématérialisations, modifications paranormales de structures matérielles ou énergétiques.
Enfin tout se passe comme si ces phénomènes étaient susceptibles de s’affranchir de nos catégories habituelles d’espace, de temps et de mouvement.Ilspeuventéchapper,semble-t-il, aux lois dela propagation en fonctionde la distance, à celles de la chronologie puisquel’information prémonitoire vient du futur et qu’il n’est pas jusqu’à la psychokinèsedirigée sur du passé qui ne soit objet de recherches avancées29, à celles de la gravitation normale comme dans certains phénomènes de hantises dits Poltergeister.

Leur étude scientifique ouvre donc un champ considérable non seulement aux psychologues mais encore aux physiologistes et aux physiciens, qui sont les plus aptes à pénétrer dans cette science du temps et dans ces aspects physiques de l’information qui sont si difficiles à concevoir pour le commun des mortels (30).
Mais le développement de l’approche scientifique de la parapsychologie peut ouvrir la porte à des possibilités d’utilisation qui risquent de poser des problèmes sociologiques, éthiques et déontologiques considérables. Ceux-ci ne sauraient laisser indifférents ni les pédagogues, ni les juristes, ni les philosophes. Quant aux théologiens, cette phénoménologie qui paraît échapper au hasard et à la nécessité pourrait leur offrir les éléments d’une sorte de « behaviourisme pneumatologique », c’est-à-dire d’une science du comportement de l’Esprit.

III- DEMAIN : Le supplément d’âme

Plus s’accumulent les informations, plus s’accélèrent les communications, plus se développent les techniques d’action, et plus il devient difficile de prévoir, de prédire et de programmer l’avenir.
On peut cependant s’efforcer de prolonger les grandes lignes qui joignent la rétrospective d’hier à la perspective d’aujourd’hui pour les projeter sur la prospective de demain.

La véritable source de cette prospective se trouve dans l’œuvre d’Henri BERGSON lorsque ce philosophe met le doigt sur le rapport entre mécaniciens et mystiques.
Ce « supplément d’âme » qu’il réclamait est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. A son appel, il faut répondre par la définition d’un objet cohérent qui ne sera atteint que par des moyens adéquats.
Ainsi peut-on espérer obtenir pour demain une claire vision de ce que BERGSON avait osé nommer La machine à faire des dieux.

Mécaniciens et mystiques.

En 1932, c’est à soixante-treize ans, au bout de presque trois quarts de siècle d’une destinée de penseur, que BERGSON publie Les deux sources de la morale et de la religion.
De cet ouvrage divisé en quatre chapitres, les trois premiers sont intitulés : L’obligation morale, La religion statique, La religion dynamique.
Le quatrième, qui nous intéresse ici : Remarques finales. Mécanique et mystique, est subdivisé en trois parties : Retour possible à la vie simple, Mécanique et mystique, Esprit et joie.

Dans Retour possible à la vie simple, c’est par un tel retour que BERGSON envisage la possibilité de réagir aux servitudes menaçantes qui résultent du développement de la complexité des machines. Mus, c’est à l’homme qu’il appartient de les asservir au lieu de s’y laisser asservir (31).

Mais c’est dans Mécanique et mystique que nous allons trouver l’appel au « supplément d’âme ». Considérant que les outils et les machines prolongent et démultiplient nos puissances, BERGSON fait observer que « dans ce corps démesurément grossi, l’âme reste ce qu’elle était, trop petite maintenant pour le remplir, trop faible pour le diriger. D’où le vide entre lui et elle. D’où les redoutables problèmes sociaux, politiques, internationaux, qui sont autant de définitions de ce vide et qui, pour le combler, provoquent aujourd’hui tant d’efforts désordonnés et inefficaces : il y faudrait de nouvelles réserves d’énergie potentielle, cette fois morale. Ne nous bornons donc pas à dire, comme nous le faisions plus haut, que la mystique appelle la mécanique. Ajoutons que le corps agrandi attend un supplément d’âme, et que la mécanique exigerait une mystique. Les origines de cette mécanique sont peut-être plus mystiques qu ‘on ne le croirait ; elle ne retrouvera sa direction vraie, elle ne rendra des services proportionnés à sa puissance, que si l’humanité qu’elle a courbée encore davantage vers la terre arrive par elle à se redresser, et à regarder le ciel » (32).

BERGSON prévoit que l’homme disposera de réserves d’énergie illimitées « quand la science saura libérer la force que représente, condensée, la moindre parcelle de matière pondérable » (33).
« Mais l’esprit ? A-t-il été approfondi scientifiquement autant qu’il aurait pu l’être? Sait-on ce qu’un tel approfondissement pourrait donner ? La science s’est attachée à la matière d’abord ; (…) Il n’était d’ailleurs pas souhaitable que l’on commença par la science de l’esprit. (…) Toutefois, par un autre côté, elle n’a pas été sans souffrir d’être venue si tard (34). En effet, l’habitude prise par la science « de tout voir dans l’espace, de tout expliquer par la matière « , l’a détournée « de l’observation de certains faits, ou plutôt elle a empêché de naître certaines sciences excommuniées par avance au nom de je ne sais quel dogme » (35).

Puis il explique que « l’activité de l’esprit a bien un concomitant matériel, mais qui n’en dessine qu’une partie ; le reste demeure dans l’inconscient. Le corps est bien pour nous un moyen d’agir, mais c’est aussi un empêchement de percevoir. Son rôle est d ‘accomplir en toute occasion la démarche utile précisément pour cela, il doit écarter de la conscience, avec les souvenirs qui n’éclaireront pas la situation présente, la perception d’objets sur lesquels nous n’aurions aucune prise. C’est, comme on voudra, un filtre ou un écran(…) »Il nous cueille une vie psychologique réelle dans le champ immense du rêve.
Limitant notre représentation pour la rendre agissante, notre cerveau est organe de l’attention à la vie. « Mais il résulte de là qu’il doit y avoir, soit dans le corps, soit dans la conscience qu ‘il limite, des dispositifs spéciaux dont la fonction est d’écarter de la perception humaine les objets soustraits par leur nature à l’action de l’homme
 » (36).

C’est alors que BERGSON précise sans équivoque ce qu’il entend par science psychique : « que les mécanismes qui filtrent la perception humaine « se dérangent, la porte qu’ils maintenaient fermée s’entrouvre quelque chose passe d’un « en dehors qui est peut-être un « au-delà ». C’est de ces perceptions anormales que s’occupe la « science psychique « (37).

« On s’explique dans une certaine mesure les résistances qu’elle rencontre(…) « Mais on ne comprendrait pas la fin de non-recevoir que de vrais savants opposent à la « recherche psychique, si ce n’était qu’avant tout ils tiennent les faits rapportés pour « invraisemblables » ; ils diraient « impossibles » s’ils ne savaient qu’il n’existe aucun moyen concevable d’établir l’impossibilité d’un fait ; ils sont néanmoins convaincus, au fond, de cette impossibilité (38). Enfin si l’on met en doute la réalité des « manifestations télépathiques » par exemple, après les milliers de déclarations concordantes recueillies sur elles, c’est le témoignage humain en général qu ‘il faudra déclarer inexistant aux yeux de la science : que deviendra l’histoire ? Même si l’on ne retient qu’une partie de ce que la science psychique « avance comme certain, il en reste assez pour que nous devinions l’immensité de la terra incognita dont elle commence seulement l’exploration. » (39).

L’appel, l’objet, les moyens

Le rappel de ces longues citations m’a paru nécessaire pour bien mettre en évidence aux yeux de notre époque – qui non seulement ne cesse de confondre le monde psychique de l’âme et le monde pneumatique de l’esprit mais encore tend à réduire de plus en plus ce dernier au précédent – que le « supplément d’âme » préconisé par BERGSON ne doit pas être amalgamé avec l’esprit religieux, mais qu’il relève, sans équivoque chez le philosophe, du développement des sciences psychiques.

L’auteur de L’énergie spirituelle, parue en 1919, savait bien de quoi il parlait puisqu’il l’avait déjà précisé à Londres le 28 mai 1913 dans sa conférence de président de la Society for Psychical Research, intitulée : Fantômes des vivants et recherche psychique, qui constitue le chapitre III de cet ouvrage (40) et se termine par un encouragement à « travailler dans le sous-sol de l’esprit avec des méthodes spécialement appropriées (41).
Mais il savait aussi qu’entre ce sous-sol de l’âme et le sol de l’esprit, l’interaction mystique est si étroite que leur distinction est souvent difficile et que, sans elle, le monde psychique se trouve dépourvu de sens supérieur (42).

Aujourd’hui, tout se passe comme si des symbolisations techniques se développaient à mesure que diminuent nos symbolisations mystiques, ainsi qu’on le voit, par exemple, dans les thèmes sous-tendus par la peur de la mort mécanique, de la mort écologique et de la mort atomique.
En effet, au danger de la machine dévoreuse d’hommes déjà vu par BERGSON s’ajoutent maintenant les menaces d’une société de déjections issues de sa consommation.
Enfin si la mort atomique est une réalité pour les Japonais, elle paraît en France perçue comme un mythe puisque, dans ce pays actuellement enclin à se croiser les bras, on songe plus à lire Nostradamus qu’à creuser des abris anti-atomiques.

En contrepoint de ces peurs millénaristes s’est singulièrement affaibli l’enseignement de la philosophia perennis, supplantée par des idéologie psychosociologiques ou par la recherche de paradis artificiels.
La décadence de la théologie traditionnelle et des disciplines religieuses au profit de théologies comme celle de la mort de Dieu ou celle de la Révolution, une imprudente démythisation, ont fait régresser la foi et progresser ses succédanés exotiques, archaïques ou sectaires en développant à l’extrême les superstitions fidéistes et scientistes.

Derrière tous les dangers qui menacent ainsi la nature des générations montantes, qui a horreur du vide et se jette sur les drogues et autres sources psychédéliques, sur les motivations génératrices de violences, ou bien dans les filets d’habiles manipulateurs ou de charlatans exploiteurs de sa crédulité, il faut lire un immense appel auquel ni les théologiens, ni les professeurs, ni les scientifiques ne fournissent de réponse, tout en déplorant le déferlement de l’irrationnalité dans le vide des âmes.

L’objet de cet appel ne sera pas atteint par une régression vers le passé. Le « supplément d’âme » demandé aux sciences psychiques a besoin, aujourd’hui, de se fonder sur cette infra-structure objective des sujets qui faisait dire à Charles RICHET que la métapsychique est une branche avancée de la physiologie.
Et c’est bien dans ce sens que se sont orientées les recherches actuellement en cours:
A propos de l’information objet-sujet, Madame Yvonne DUPLESSIS a développé l’étude de la sensibilité dermo-optique aux couleurs, des réactions motrices qui en résultent, et des possibilités de perception non visuelle qui en émergent. Cet aspect de la cryptesthésie démystifie, grâce à une expérimentation physique et physiologique, un phénomène que les scientistes nient comme attribuable à la clairvoyance tandis que les parapsychologues l’attribuent à une perception qu’ils disent « extra-sensorielle ».

A propos de la communication entre sujets se poursuivent des recherches parapsychologiques sur les niveaux de vigilance, les états de conscience et les modifications de cette dernière ; des recherches psychotroniques sur l’électronographie, dont les images de KIRLIAN ne sont qu’un cas particulier ; et des recherches métapsychiques au moyen de la micropléthysmographie.

A propos de l’action psychocinétique, divers générateurs aléatoires, comme le tychoscope de M. Pierre JANIN, ont été construits et réglés pour tenter de mettre objectivement en évidence d’éventuelles interactions psycho-physiques entre les sujets et les jeux du hasard qui gouvernent la matière.
On voit ainsi que l’orientation de la métapsychique est tout à fait rationnelle lorsqu’elle s’efforce d’explorer une voie qui, partie de la mécanique vers la biomécanique, s’engage vers la psychomécanique pour étudier des forces qui semblent intelligentes.

Toutefois, en ce qui concerne la France, l’objectif des sciences psychiques ne saurait vraiment être atteint que si on leur en donne les moyens.
Pour l’enseignement, il est indispensable de lever le tabou que fait peser l’université française sur ce que Gabriel MARCEL appelait « les parties honteuses du savoir ». II faut couper cours aux superstitions fidéistes et scientistes, et s’opposer aux confusions, aux amalgames, aux exploitations.
Et, pour y parvenir, il est indispensable de mettre au point une information objective qui déliera la langue des observateurs et des expérimentateurs sérieux. C’est l’exemple qu’a courageusement donné l’Université de Reims en organisant un Colloque international de parapsychologie les 16 et 17 décembre 197543 (43).

Pour la recherche, ce ne sont pas les moyens intellectuels ni techniques qui manquent, mais un minimum de crédits de fonctionnement.
En l’état actuel, il faut noter l’émergence de quelques thèses et mémoires annonciateurs de progrès sous l’impulsion de la génération montante et grâce à l’ouverture d’esprit de certains professeurs.
On peut citer en exemple trois thèses de doctorat en médecine:

celle du Docteur Bruno BLAIVE : Réflexions ethnologiques sur l’lle de la Réunion. La marche dans le feu, en 1968, à Marseille;

celle du Docteur Christian MOREAU : Freud et l’occultisme, en 1974, à Tours, suivie d’un mémoire sur la Parapsychologie en psychiatrie et psychanalyse en 1975

celle du Docteur Henri DARAN : A propos de l’interaction sensori-active, en 1980, à Paris.

Pour les applications, il faut savoir qu’une bonne pédagogie dès avant la sortie des lycées constituerait le meilleur moyen de prévention des superstitions, des illusions et des pièges sectaires.

Une meilleure démystification et une information sans ambiguités permettraient de mieux ouvrer dans le sens de l’hygiène mentale.
Enfin une connaissance plus approfondie de l’homme, de la société, de l’univers, et de leurs interactions, ne pourrait que favoriser l’évolution de ses bénéficiaire et de leurs milieux de vie.

La machine à faire des dieux

En ce sens, il est très intéressant de voir se développer, à partir des travaux d’Ernesto de MARTINO (44), un courant d’ethno-métapsychique qui situe l’émergence de phénomènes paranormaux dans leur espace, dans leur temps et dans leur milieu anthropologique.

De même qu’en physiologie l’arc réflexe nous montre le courant qui va des antennes sensorielles aux postes moteurs et qu’en physique l’information se présente comme équivalente de la puissance d’action (45), tandis que la philosophie lie représentation et volonté, de même l’ethno-métapsychique nous montre que tout se passe comme si l’imaginaire précédait l’imaginal.
L’important, c’est que la dimension chronologique de cette précession ne se limite pas à l’échelle personnelle mais qu’elle se manifeste à l’échelle sociale, parfois sur plusieurs générations.
C’est ici que la liberté des images surréalistes préfigura celle des objets dans les cabinets de métapsychique, et que Salvador DALI peignit des montres molles et des cuillers tordues une génération avant celle des psychocinètes qui firent subir à celles-ci des modifications objectives.
De la même manière, la littérature de science-fiction a décrit des objets volants non identifiés une génération avant l’épidémie de ceux qui affirmèrent en avoir observé sans avoir été influencés par des lectures antérieures (46).

A plus grande échelle chronologique, la question a été posée de savoir si l’action imaginale était ou non impliquée dans l’évolution des êtres vivants et dans leur progressive conquête probabiliste de l’autonomie (47).
Enfin, si c’est à partir de la nécessité que le hasard a offert des possibilités de choix : leurs tendances imaginaires, ne serait-ce pas des effets de ces dernières que Pour avoir surgi ce progrès de la complexification qui tend vers le « troisième millenaire » de TEILHARD de CHARDIN (48)

Enfin, s’agissant de l’homme, n’est-ce pas encore cette puissance imaginale qui entre en action pour réaliser ces véritables mutations internes que sont les grands phénomènes observés dans la vie ascétique et mystique, dont l’ensemble cohérent, systématisé par GORRES (49), constitue une hyperbiologie que nous pourrions nomme Hagiologie (50).

Ainsi se découvrent à nos yeux les horizons immenses de la terra incognita offerte à l’exploration d’un réalisme à la fois mécanicien et mystique qui répondrait aux vœux de BERGSON. Nous le citerons encore, pour conclure:

« Supposons qu’une lueur de ce monde inconnu nous arrive, visible aux yeux du corps. Quelle transformation dans une humanité généralement habituée, quoi qu’elle dise, à n’accepter pour existant que ce qu’elle voit et ce qu ‘elle touche. L’information qui nous viendrait ainsi ne concernerait peut-être que ce qu’il y a d’inférieur dans les âmes, le dernier degré de la spiritualité« .
Le plaisir, sur lequel on se jette pour narguer la mort, « serait éclipsé par la joie. Joie serait en effet la simplicité de vie que propagerait dans le monde une intuition mystique diffusée, joie encore celle qui suivrait automatiquement une vision d’audelà dans une expérience scientifique élargie« . (…)
« L’humanité gémit, à demi écrasée sous le poids des progrès qu’elle a faits. Elle ne sait pas assez que son avenir dépend d’elle. A elle de voir d’abord si elle veut continuer à vivre. A elle de se demander ensuite si elle veut vivre seulement, ou fournir en outre l’effort nécessaire pour que s’accomplisse, jusque sur notre planète réfractaire, la fonction essentielle de l’univers, qui est une machine à faire des dieux« (51).

RESUME

HIER fut le temps des définitions.
C’est en 1889 que l’allemand Max DESSOIR proposa les termes de parapsychologie pour « caractériser toute une région frontière encore inconnue qui sépare les états psychologiques habituels des états pathologiques », et de paraphysique pour désigner des phénomènes qui paraissent échapper aux lois connues de la physique.
En 1905, le français Charles RICHET unifia ces deux concepts sous le nom de métapsychique, « science qui a pour objet des phénomènes, mécaniques ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes ou à des puissances inconnues latentes dans l’intelligence humaine ».
En 1954. le français Fernand CLERC suggéra le mot de psychotronique pour désigner « les phénomènes clans lesquels l’énergie est dégagée par le processus de la pensée ou par la pulsion de la volonté humaine ». Repris par l’Ecole de Prague, ce terme fit l’objet d’une définition plus approfondie en 1975.

AUJOURD’HUI est venu le temps de la guerre des paradigmes, c’est-à-dire des modèles conceptuels généraux adoptés par les chercheurs, suivant qu’ils nient, qu’ils excluent ou qu’ils incluent les interactions entre l’univers objectif et le monde subjectif.
Les scientistes français dont le paradigme se limite strictement au postulat de l’objectivité de la nature demeurent parfaitement cohérents lorsque, ne pouvant pas plus exclure des faits objectifs qu’inclure leurs sources subjectives, il ne leur reste qu’une issue : les nier à tout prix.
Les parapsychologues d’inspiration spiritualiste ont tendance à ranger ces interactions dans un « nouveau paradigme » complémentaire du paradigme scientifique actuel, en vue de les harmoniser progressivement, tandis que les psychotroniciens d’inspiration matérialiste les incluent mais en s’efforçant de les réduire au seul niveau matériel et énergétique.
Quant aux métapsychistes, ils proposent un paradigme englobant non seulement les objets et les sujets, mais aussi toutes leurs interactions, meme les plus improbables.

DEMAIN sera le temps du « supplément d’âme » appelé par BERGSON pour équilibrer le prodigieux développement des puissances mécaniques.
L’appel s’en fait particulièrement sentir à l’approche de la fin de ce deuxième millénaire. L’objet doit en être défini avec cohérence. Les moyens doivent en être organisés.
Cet effort intéresse directement la manière dont nous saurons concevoir, pour le troisième millénaire, l’aventure matérielle et spirituelle de l’humanité.

Notes

1 ROBERT Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, article : Insolite. Société du Nouveau Littré, Paris 1963, T. 4, page 24.

2 MORE Henry :An Antidote against Atheism. 1653.

3 .. dont il publie le Saducismus Triumphatus en 1681.

4 GAULD Alan Psychical research in Cambridge from the seventeenth century to the pre-sent. Journal of the Society for Psychical Research, Vol. 49, no 778, décembre 1978.

5 Alcan, Paris 1919.

6 Id., pages 412 à 421.

7 HAYNES Renée Philosopher King. The humanist pope Benedict XIV. Weidenfeld and Nicolson, Londres 1970.
8BERGMAN Samuel Hugo Solomon Maimon et les débuts de la parapsychologie scientifique. Revue métapsychique, no 9. mars 1968.

9 Id. The philosophy of Solomon Maimon. The Magnes Press. The Elebress University. Jérusalem, 1967, pages 272 à 276.
10 DESSOIR MAX: Vom Jenseits der Seele. Encke, Stuttgart 1902.

11 Jean MEYER, spirite soucieux de recherche scientifique sut éviter des risques de confusions ou d’amalgames en fondant séparément la Maison des spirites et l’Institut Métapsychique International, car Charles RICHET était rationaliste.

12 RICHET Charles: Traité de métapsychique, Félix Alcan, Paris, 1922, pp. 2-5.

13 DUMAS André: La science de l’âme, Dervy, Paris, 1973, pp. 233-235.

14 REJDAK Zdenek : La parapsychologie à portes ouvertes, 1970.

15 KOTIK Naum : Die Emanation der psychologischen Energie, 1908.

16 TROMP S.W. Psychic Physics, 1949.

17 Vie des Métiers, novembre 1954Toute la radio, no 192, 12 janvier 1955.

18 Insolent et insolite ont même étymologie.

19 Science et conscience. Les deux lectures de l’univers. FRANCE-CULTURE. Colloque de Cordoue. 1 au S octobre 1979. Stock, Paris 1980.

20 La pseudoscience à l’honneur ? Pour la science, n° 40, février 1981, pages 11, 12.

21 Une couronne pour le meilleur physicien « psy. La Recherche, no 121, avril 1981, volume 12, page 403.

22 MONOD Jacques : Le hasard et la nécessité Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne. Seuil, Paris 1970, pages 32-33.

23 SKINNER B.F. : Science and Human Behaviour. 1953, pages 30-31.

24 RICHET Charles: Traité de métapsychique. Félix Alcan, Paris 1922, pages 2-5.

25 HARMAN Willis H. Les implications pour la science et la société des découvertes récentes dans le champ de la recherche psychologique et psychique. Science et conscience. Stock, Paris 1980, pp. 431 à 440.

26 Id. : page 443.

27 FERGUSON Marilyn Les enfants du Verseau. Pour un nouveau paradigme. Calmann-Levy, Paris 1981.

28 Voir Revue métapsychique, no 25, 1978, pages 5 et 6, ou Vol. 15, 1981, no 3, page 8.

29 SCHMIDT Helmut Observation of subconscious PK effect with and without time displacement. JANIN P. : Revue métapsychique, no 18.

30 COSTA de BEAUREGARD O. : Le second principe de la science du temps, Seuil, Paris, 1963.

31 BERGSON : Oeuvres. Edition du centenaire. P.U.F., Paris 1959. pages 1230 1234.

32 Id., pages 1238-1239.

33 Id., page 1241.

34 Id., pages 1241-1242.

35 Id., page 1242.

36 Id., page 1243.

37 Id., page 1243.

38 Id., pages 1243-1244.

39 Id., page 1245.

40 Id., pages 860 à 897.

41 Id., page 897.

42 LARCHER Hubert : Valeur spirituelle des phénomènes parapsychologiques. GUITTON Jean: Communication. Revue métapsychique, no 10, pages 41 à 45.

43 La parapsychologie devant la science. Berg-Bélibaste, Paris 1976.

44 Le monde magique. Marabout Université, Paris 1971.

45 COSTA DE BEAUREGARD Olivier : Le second principe de la science du temps. Le mil, Paris 1963.

46 MEHEUST Bertrand : Science-fiction et soucoupes volantes. Mercure de France, Paris 1978.

47 VENDRYES Pierre: Vie et probabilité Albin Michel, Paris 1942.

48 TEILHARD de CHARDIN Pierre : La place de l’homme dans la nature. Albin Michel, Paris 1956, pages 21-22.

49 GORRES, Josef von : La mystique. Poussielgue-Rusand, Paris 1854.

50 LARCHER Hubert : Anthropodynamjque des phénomènes paranormaux. Parapsychologie, n° 9, janvier 1980.

51 BERGSON Henri: Oeuvres. Edition du centenaire, paris, 1959, page 1245.