Home
Gödel, le cercle de Vienne et la parapsychologie

Gödel, le cercle de Vienne et la parapsychologie

Un débat, même houleux, sur la parapsychologie au sein du cercle de Vienne, c’est vraiment la dernière chose que l’on aurait pu imaginer, étant donné les orientations philosophiques du groupe. Et pourtant, comme le montre un article récemment paru dans Pour la Science, la question de la réalité du paranormal semble avoir entraîné des conflits entre les membres du cercle.


Wittgenstein et Neurath considéraient que la parapsychologie était incompatible avec une vision scientifique du monde; en revanche Hahn, Carnap et Gödel se passionnaient pour cette voie de recherche. Le groupe se divisa sur cette question, au point que certains boudèrent les réunions du jeudi, et que Wittgenstein, ayant trouvé un livre de Schrenck-Notzing dans la bibliothèque de Carnap, se brouilla avec ce dernier.

Le plus passionné était semble-t-il le logicien Gödel. Il s’intéressait sutout à la télépathie et entreprit même des expériences avec son épouse Adèle, qui, croyait-il, avait des dispositions. Il ne s’agissait pas chez lui d’un intérêt de surface. Comme le signale l’auteur de l’article précité, le logicien en vint à étudier rationnellement cette question,  » au même titre que la nature du temps, l’existence de Dieu, la nature de l’esprit humain. » A son ami Morgenstern, il s’étonna que l’on accepte les particules élémentaires en physique, et que les scientifiques persistent pourtant à refuser la réalité de facteurs psychiques élémentaires susceptibles de servir de vecteurs à la perception extrasensorielle.

Pour sa part, il tenait la réalité de cette faculté pour « hautement probable.  » Dans la deuxième édition de son livre Qu’est-ce que le problème du continu de Cantor? Gödel écrit notamment:

« Même si elle est très éloignée de la perception sensorielle, nous avons une sorte de perception des objets de la théorie des ensembles (…) et je ne vois pas pourquoi nous devrions moins nous fier à ce type de perception, c’est-à-dire à l’intuition mathématique, qu’à la perception sensorielle qui nous permet de construire des théories physiques. (…) Toutefois, il ne s’ensuit pas, comme l’affirmait Kant, que les données de ce type, parce que nous ne pouvons les relier à des actions sur les organes de sens, sont des données subjectives. Au contraire, elles pourraient représenter un aspect de la réalité objective, et leur existence pourrait être due à un autre type de rapport entre nous et la réalité que les sensations. »

Autrement, dit la clairvoyance serait à rapprocher de la vision des essences. Voilà à quoi songeait il y plus de soixante-dix ans le logicien dont le fameux théorême d’incomplétude bouleversa la pensée contemporaine. Aujourd’ hui, nous avons Georges Charpak et le livre zététique de plage.

 

Cet article est un extrait du livre de Bertrand Meheust : « 100 mots pour comprendre la voyance« .