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Entretien de Bertrand Meheust avec Maud Kristen

Entretien de Bertrand Meheust avec Maud Kristen

Bertrand MéheustMaud Kristen, vous êtes en ce moment une des voyantes les plus connues en France. Pouvez-vous préciser votre parcours pour les lecteurs de Synapse, et nous raconter comment votre don s’est manifesté?

Maud Kristen – J’ ai mis très longtemps avant de considérer sérieusement que j’ avais des capacités psychiques particulières. En fait, c’ est comme si j’ avais vécu une partie de mon enfance en jouant à cache-cache avec cette singularité que je n’ avais pas encore clairement définie. Je suis née à Paris au milieu des années soixante ; à cette époque, il n’ était pas rare de croire sans retenue à la science et au progrès technique. Pour mes parents, comme pour tant d’autres, non seulement ces questions n’ avaient aucun sens, mais leur seule évocation aurait été vécue comme un déclassement social. Pourtant, malgré ce rejet familial, je suis à peu près certaine, en y réfléchissant, d’ avoir toujours connu des épisodes de clairvoyance ou de précognition .

A l’ école, les premiers épisodes se sont manifestés spontanément : c’ est dans le regard des autres que j’ ai commencé à comprendre que j’ étais voyante, avec la même surprise que celle de Jean Paul Sartre lorsqu’il prit conscience de sa laideur. Mes premières sensations ont été la peur et la honte. La peur parce que j’ ai découvert qu’ en évoquant naturellement ce que je savais sans avoir conscience de l’ avoir « vu » je pouvais produire chez mes camarades des réactions qui se transformaient en crainte hostile à mon égard. La honte parce que je ne percevais pas clairement ce que j’ avais pu dire ou pu faire précisément pour mériter d’ être traitée de sorcière.

Je devais avoir douze ans, quand une camarade m’a montré une carte postale écrite par son oncle. Distraitement , j’ai fait une description physique de l’expéditeur et, à mon, amie, j’ai révélé quelques éléments de son passé. Certains d’ entre eux dataient de son enfance. Seule sa mère, qui était présente, les connaissait. Pragmatique, elle n’ a pas tardé à se lever pour aller chercher une lettre écrite par son amant et me demander ce que « je voyais pour celui-là ». A cet instant, j’ ai compris que « voir » pouvait, brutalement, me rendre dangereusement intéressante.

Pendant mon adolescence, alors qu’ il y avait de très gros problèmes à la maison, j’ ai commencé à ne plus m’ intéresser à mon travail scolaire. Pourtant j’ avais été jusqu’ ici une bonne élève. La nuit, lorsque l’ inspiration me venait et que je me sentais en complète en communion avec ce que je voyais par ma fenêtre, ou avec les objets très ordinaire qui m’ entouraient, j’écrivais beaucoup, d’étranges poésies. En fait, je pensais pouvoir percevoir « l’ âme » des choses en me diluant en elles. Je devenais ce que je voyais. A la même période, je me suis mise à noter tous mes rêves et j’ ai découvert que certains d’ entre eux avaient un caractère nettement prémonitoire.
Heureusement, vers la fin de mon adolescence, j’ ai eu la chance de découvrir l’ amitié et de vivre une ou deux histoires d’ amour gratifiantes. Après avoir été crainte et parfois mise à l’ écart, j’ ai pu faire l’ expérience toujours positive de l’ amour et de l’ estime. J’ ai eu mon bac à 17 ans et je me suis inscrite en fac de Droit, tout en gardant l’ espoir non dissimulé de pouvoir écrire et publier. Mon entourage m’ y encourageait.

Pendant ces années de « normalisation » j’ai découvert la douceur de vivre… Exit la voyance et les rêves prémonitoires ! C’ est aussi à cette époque que j’ ai décidé d’ entamer une psychothérapie. J’ avais de plus en plus conscience que mon passé familial risquait d’être un handicap dans ma vie affective. Et c’ est là , sur le divan, que j’ ai été une nouvelle fois confrontée à la voyance. A plusieurs reprises, dans le cadre de la cure, j’ ai pu raconter à ma thérapeute des rêves qui mettaient en scène certains de mes proches. Évidemment, nous cherchions à les interprêter symboliquement, seulement voilà : ils finissaient par se réaliser sous mes yeux sans que ma responsabilité puisse être mise en cause directement ou indirectement. Ces événements ont achevé la période de déni pendant laquelle je ne voulais voir dans toutes ces histoires de précognition que de simples coïncidences.

BM – Mais avoir des dispositions sporadiques pour la voyance est une chose, et en faire son métier en est une autre. C’est là encore un parcours intriguant….

MK – Cest un concours de circonstances qui m’a conduit presque malgré moi à exercer professionnellement. J’ avais vingt-trois ans lorsqu’une amie, membre du comité de lecture d’un grand éditeur, m’ a fait part de son intention d’envisager la publication de mon premier roman dont elle n’ avait lu que trois chapitres. Évidemment, j’ étais très fière, mais il me fallait terminer ce manuscrit. Or, mon travail de responsable du développement dans une centrale d’achat d’ espaces publicitaires ne me laissait ni le temps ni l’ énergie de m’ y consacrer. En fait, j’ étais très en décalage avec mon travail qui pourtant marchait bien. J’ avoue que je détestais « faire des affaires » et que je m’imaginais mal continuer ce type de carrière. Une amie qui commençait à en avoir assez découter mes plaintes au sujet de mon roman inachevé m’a conseillé d’ abandonner provisoirement mon travail, d’écrire chez elle à la campagne 15 jours par mois et de donner des consultations de voyance à Paris le reste du temps. La première partie de sa proposition était si généreuse que je n’ ai pas pu lui refuser d’ essayer de jouer à la voyante extra-lucide le reste du temps. D’ abord, elle avait lancé l’idée comme une boutade, puis plus sérieusement, jusqu’ à m’en convaincre. Dans mon esprit, cela devait durer six mois maximum; seulement quinze jours plus tard, jétais débordée par les sollicitations. Dès les premiers rendez vous, je me suis rendu compte que je semblais être capable de décrire précisément le passé et le présent de personnes que je n’ avais jamais vues. En outre, certaines de mes prévisions semblaient se réaliser très vite. Le processus se déroulait sans effort, les informations affluaient naturellement, et je me surprenais presque en découvrant le ton d’évidence avec laquelle je les énonçais. J ‘ai été médiatisée très vite, puisque j’ ai participé, entre autre, aux Dossiers de l’ écran à l’ automne 87, soit six mois après avoir donné ma première consultation.

BM – Vous avez participé en 2002 à une table ronde sur la divination, lors d’un colloque que j’ai organisé avec Michel Boccara dans le cadre du CNRS. Le texte de cette table ronde devrait d’ailleurs paraître prochainement aux éditions Anthropos. Or, ce jour là, vous avez surgi là où on ne vous attendait pas, en analysant la façon dont les médias ont « capturé » et défiguré la question de la voyance. Pouvez-vous nous résumer les grandes lignes de votre argument ?

MK – Cet exposé n’était pas un énième procès des médias. Je ne crois pas que ces derniers obéissent à des stratégies conscientes de dénigrement. Je pense qu’ils tentent plutôt d’ atteindre du mieux qu’ils peuvent l’équilibre idéal. Concernant ce qu’ il est convenu d’ appeler le « paranormal », les journalistes agissent comme à l’accoutumée. Ils cherchent plus ou moins à réussir la même figure imposée : d’un côté, ne pas mépriser le public des « croyants » ; et de l’autre, ne pas irriter les représentants de la science « officielle » qui persistent dans leur refus d’ étudier sérieusement la question.

BM – La figure de l’oxymore, en quelque sorte…

MK – Exactement. Cela aboutit à une situation à la fois cocasse et tragique. En effet, le rôle de l’expert est vacant, puisque l’institution scientifique n’accepte pas la voyance comme un sujet légitime. Du coup, il se trouve occupé par une personne présentant
la caractéristique essentielle de ne pas connaître le domaine dont elle est censée parler. Les véritables spécialistes de la question – car il y en a – se retrouvent généralement, quand on les invite, sur le banc des « croyants » et des témoins anonymes ou célèbres. Leur parole et leur travail se retrouvent amalgamés aux expériences personnelles, aux anecdotes plus ou moins troublantes. Selon un scénario bien rôdé, l’ expert scientifique, véritable Deus ex Machina, finira, par balayer tout ce fatras en convoquant tantôt les lois du hasard, tantôt les méfaits de l’ autosuggestion. S’il est plus corrosif, il suspectera la naïveté du témoin, ou bien la tricherie, dont « on sait- que- même- les meilleurs- d’entres- nous- sont- parfois victimes … ».

Quant au « voyant » invité, il n’ en existe que deux catégories, très nettement séparées : le mauvais et le bon. Le mauvais se doit de paraître sous les traits d’ un escroc, alors même que le propre de l’ escroc est de ne pas avoir l’ air d’en être un. Le bon doit impérativement ne pas ressembler à un(e) voyant(e). Il doit se situer à l’ opposé des stéréotypes. On peut résumer la situation en disant que cette mise en scène présente l’ avantage de maintenir la question dans l’état dans laquelle on l’ a trouvée en entrant.

BM – En fait, ce que vous nous décrivrez là, c’est une sorte de simulacre, d’exorcisme de carnaval. J’aimerais maintenant que vous nous parliez de l’autre face de votre activité, c’est-à-dire des expériences que vous avez menées dans un cadre scientifique.

MK – Depuis le début de mon aventure « oraculaire », je n’ai cessé de douter. Curieusement, le fait de m’installer en tant que voyante professionnelle n’a rien changé. Il était de plus en plus important, pour moi, d’ épurer ma pratique. De distinguer des ( éventuelles) perceptions extra sensorielles la partie subjective liée à la relation qui se tisse durant la consultation . Finalement, je crois que j’ai voulu écarter le doute et vérifier comment et jusqu’ où je voyais vraiment. J’ ai eu envie de rencontrer Yves Lignon, à Toulouse. J’ ai réussi certains des exercices et des tests qu’il me proposait. C’ était passionnant et cela m’a encouragé à accepter de collaborer plus encore avec la Fondation de Psycho-Physique Marcel et Monique Odier, à Genève.

BM – Pour nos lecteurs, Marcel Odier est un banquier suisse, par ailleurs docteur en mathématiques, qui sponsorise certaines recherches en parapsychologie.

MK – Oui; il a mis à la disposition de l’hôpital de Lausanne un Neuroscan, avec la contrepartie de pouvoir l’utiliser parfois pour les recherches de sa fondation. J’ai donc été testée par cet appareil. Ce fut la première fois que « branchée » sous Neuroscan, j’ ai pu visualiser ce qui se passait dans mon cerveau alors que je réussissais à décrire le contenu de plusieurs enveloppes closes. D’ après les observations du professeur Desplan, qui assistait aux expériences, il semblerait, lorsque je suis en état de voyance, que certaines zones de mon cerveau travaillent en même temps au lieu de fonctionner.

En 1999, j’ ai souhaité vous rencontrer après avoir découvert votre thèse sur l’histoire du magnétisme . Je me suis prêtée à votre demande à des tests de « lecture à travers des corps opaques » ou de « vision à distance ». Ces expériences classiques, bien qu’ ayant été réalisées dans un cadre informel, m’ ont permis d’ améliorer ma compréhension de ma pratique et de mes capacités.

BM – J’ai effectivement été frappé de découvrir in situ des processus que j’avais renconté dans les archives en étudiant, entre autres, le cas du clairvoyant Alexis Didier. Tout ce travail d’interprétation et d’exégèse se poursuit.

MK – Le terme d’exégèse me semble approprié car la description que je fais du passé, du présent ou de l’ avenir d’ une situation est rarement objective. Il s’ agit le plus souvent d’une perception subjective et qualitative.
Lorsque je dois décrire ce que renferme une enveloppe il est rare que je dise clairement quel est son contenu. Lorsque l’ exercice est probant, je donne un certain nombre d’ informations objectives : la forme, la provenance, la matière, la couleur, la destination, etc. Parallèlement, souvent dans des proportions inégales, je vais donner des informations qualitatives dans lesquelles on retrouve des sensations, des intentions, des émotions comme par exemple : c’ est agréable, j’ ai peur, c’ est brutal, ça sent une odeur bizarre, c’ est sympathique, etc. Il s’ agit de jugements de valeur, de sensations personnelles qui peuvent être considérées comme valables ou non selon les expérimentateurs.

Il y a toujours un moment où la boîte s’ouvre, où l’ enveloppe est décachetée. A ce moment là, je suis obligée de mesurer l’écart objectif entre ma description et l’ objet ou l image présents devant moi. A dire vrai, certaines « erreurs » sont bien souvent révélatrices de mon mode fonctionnement durant mes consultations. Je me souviens du jour où j’ ai décrit et presque mimé un chien – dont la photo était cachée dans une enveloppe – sous les traits d’ une personne un peu simple, très tonique et gourmande et qui adorait courir sur l’ herbe. C’ était parfait, mais j’ avais juste oublié de dire qu’ il ne s’ agissait pas d’un être humain !

BM – Cela me rappelle une scène incroyable que je raconte dans mon livre sur Alexis Didier. Le clairvoyant, questionné par un médecin qui s’était fait mordre par un chien, décrit l’irruption d’une présence aboyante et ne perçoit la « canaéïté » de l’animal qu’à la fin…

MK – Ces expériences montrent que la voyance ne semble pas fonctionner dans des termes relevant du vrai ou du faux, du oui du non, mais plutôt de l’ expérience émotionnelle que nous avons mémorisée collectivement ou individuellement. C’est certainement pour cette raison que le langage métaphorique reste le style que j’emprunte le plus pour parler de ce que je vois.

BM – Ce qui nous renvoie aux articles de Freud sur la télépathie. Quoiqu’il en soit, ces expériences doivent être éprouvantes pour vous. Elles sont toujours risquées, car on n’est jamais assuré du résultat. Qu’est-ce qui vous motive? Qu’est-ce qui vous pousse à prendre ces risques?

MK – De fait, j’ ai souvent été critiquée par d’ autres voyants – surtout des professionnels – qui trouvaient ridiculement risqué que je me prête à de telles expériences avec des scientifiques ou que j’accepte de faire des démonstrations dans des émissions de télévision. Honnêtement, j’ estime ne pas avoir eu d’autres choix. Je n’ arrive pas à demeurer dans la schizophrénie dans laquelle ma culture me confine en me permettant de prendre chaque jours de graves responsabilités tout en me demandant de ne pas mettre le débat sur le terrain du sérieux . En fait, il m’ a fallu du temps pour commencer à identifier et à analyser le sentiment de malaise que j’ éprouvais vis à vis de mon métier. Je me suis défini contre « Madame Irma ».

BM – Vous avez d’ailleurs écrit un Pour en finir avec madame Irma…

MK – J’ai écrit ce livre parce que j’étais lasse d’être assimilée à ce stéréotype. Désormais, je commence à saisir l’ importance des enjeux que peuvent masquer les stéréotypes construits autour de la voyance. Aujourd’ hui, mon désir de transparence, ma participation à des expérimentations, me semblent plus importants que mon histoire personnelle.

BM – Souvent, on rejette la pratique la voyance pour des raisons éthiques. Comment vous situez- vous par rapport à ce problème?

MK – Je me retrouve confrontée à des personnes qui, à chaque nouvelle rencontre, vont me confirmer (ou m’infirmer? ) si j’ai bien « vu » pour elles. Elles me consultent puis disparaissent de ma vie pour ne réapparaître que quelques mois ou quelques années plus tard en me confrontant à mes prémonitions. Leur « enthousiasme », comme certaines de leurs critiques m’ont rapidement posé question . Et cela parce qu’entre ce que je dis, ce que l’ autre entend, ce dont il se souvient, comment il l’ interprète, ce qui advient, et enfin ce qu’ il me rapporte, il y tout un chemin qui est parcouru. J’ ai souvent craint qu’ à l’ intérieur du transfert qui s’ opère inévitablement dans une telle rencontre, la frontière entre la séduction et la clairvoyance ne s’ évanouissent dangereusement. Le consultant peut m’ investir d’une toute puissance, et peut chercher à me séduire en vue de s’ arroger les faveurs d’un destin dont il m’ estime plus ou moins consciemment l’ intercesseur. Ce qui inévitablement pourrait l’ obliger à trouver du sens dans mes propos. Je dois être vigilante pour ne pas être entraînée malgré moi dans un jeu pervers dans lequel il s’ agirait de satisfaire son seul désir. J’ ai assez vite compris comment mon travail pouvait être facilement transformé en une simple parole prostituée, comment l’ autre pouvait me réduire et m’ utiliser dans le sens de son désir

En 1987, j’ avais tenté collégialement de créer une association, Delta Blanc, qui aurait regroupé des praticiens des arts divinatoires acceptant de respecter un code de déontologie. Nous étions sincères et peut être un peu naïfs en pensant régler un problème de fond en s’ attaquant à la forme. Nous avons été suivies par les médias et le public, moins par les praticiens, mais le problème n’était pas là. Je le répète : comment penser l’ éthique d’ un exercice professionnel utilisant des techniques ou des capacités censées ne pas exister en tant que telles ? En fait, les abus et autres escroqueries sont les conséquences directes de l’ impasse que font les scientifiques sur ces questions. Je me permettrai de renvoyer le lecteur à votre Lettre adressée au Professeur Georges Charpak, qui jette une lumière crue sur les raisons historiques et culturelles de cette impasse et de ses conséquences.

Quoi qu’ il en soit, les règles pourraient être assez simples, comme pour d’ autres professions libérales : pas de publicité, pas de démarchage, respect du secret professionnel, consultations en face à face, obligation de moyens, et peu de consultations, car elles sont épuisantes. Avec des mesures simples, on pourrait demain régler la quasi totalité des problèmes, s’ il y avait un début de volonté politique

Pour ma part j’ ai une règle simple. Je commence chaque consultation depuis dix-sept ans de la même façon : je ne veux savoir que le prénom de la personne que j’ ai en face de moi et à laquelle je demande de garder le silence. Je me dois de lui décrire précisément sa situation présente et passée avec des points de repères précis. Si que je lui dis ne lui paraît pas suffisamment clair elle se doit de me le dire dans le premier quart d’ heure de l’ entretien. Dans ce cas, elle est libre de partir sans me devoir aucun honoraire.

BM – Comment voyez-vous le rôle d’une voyante dans notre société? Croyez-vous que l’interdit qui pèse sur ces questions est en passe d’être levé?

MK – Je ne sais pas si c’ est à moi de penser quelle doit être la place de la voyance dans notre culture. Mais je ne peux m’ empêcher d’ espérer que la reconnaissance de la réalité des capacités extra-sensorielles viendra modifier notre paysage culturel, notre vision de l’ homme et de son insertion dans le monde. Pour paraphraser Goethe en étudiant mon cas singulier, j’ espère que l’ on finira pas voir le cas général. Il est de plus en plus clair que notre vision dualiste du monde perd de sa vigueur au profit d’ une vision plus globale du réel.

Au printemps dernier, j’ ai eu la chance de pouvoir rencontrer à Dharamsala Ven Thupten Ngodup, l’ oracle d’ Etat de sa sainteté le Dalaï Lama, plus connu sous le nom de Nechung. Comme dans tant d’ autres cultures, les bouddhistes tibétains reconnaissent la divination et l’ intègrent dans des processus de décision tout en ayant développé un haut niveau philosophique et une approche élaborée des phénomènes touchant à la conscience. Quel contraste avec l’ Occident et particulièrement la France, où la pratique professionnelle de la voyance, dépouillée de ses enjeux, se laisse résumer en une mise en scène commerciale, avec, comme pour la prostitution , ses bas fonds dangereux et ses salons de luxe, ses petits secrets et ses habitués, ses abolitionnistes et ses supporters s’ empoignant autour de la même législation incohérente. Et n’ obéissant pour finir, l’ une comme l’ autre, qu’ à une seule loi : celle du désir des clients. Vivrons- nous un jour dans une société où l’on cessera de nous amputer de cette forme d’expérience? Je l’ espère et j’ essaierai modestement d’ y contribuer, parce que je suis persuadée que cette révolution là ne sera pas décevante.