Depuis les travaux d’Herbert Thurston, Hubert Larcher ou Aimé Michel, l’intérêt que présentent les vies des saints pour les sciences psychiques est bien connu. Les miracles qu’ils accomplissent, sur autrui ou en eux-mêmes, fournissent un matériau très suggestif pour l’étude des différentes formes de métagnomie ou de télékinésie. Il est toutefois nécessaire de se livrer à un travail critique sur la documentation disponible avant de pouvoir établir des comparaisons éclairantes. Au XIIIe siècle, dans l’espace de la Belgique actuelle, une douzaine de femmes extatiques ont donné lieu à des textes de type hagiographique. Le récit produit au sujet d’une femme surnommée Christina Mirabilis (ce que l’on pourrait traduire par : « Christine la merveilleuse ») a longtemps été négligé en raison de ses extravagances. Une relecture attentive montre que l’on peut en retenir une matière à comparaison. Après un voyage dans l’au-delà durant une période de mort apparente – phénomène analogue à une expérience de mort imminente – elle revient à la vie dans un corps transformé, qui fait preuve d’une étonnante légèreté, de capacités de transformation et d’insensibilité à la douleur. Elle perçoit des événements à distance, ressent le destin des défunts dans l’au-delà et semble les accompagner dans ce dernier voyage. L’ensemble de ce dossier mérite d’être passé au crible des catégories de la métapsychiqueLe mot métapsychique fut suggéré pour la première fois par M.W. Lutoslawski dans un écrit polonais : Wyklady Jagiellonskie, à Cracovie en 1902, pour désigner des notions assez différentes de celles de Charles Richet. En effet, lorsque celui-ci, dans son adresse présidentielle à la Society for Psychical Research, en 1905, présenta ce mot, il fut, dit-il, unanimement accepté. Quentendait-il par métapsychique ? De même quAristote avait intitulé son chapitre sur les grandes lois de la nature qui dépassent les choses physiques : meta ta fusica, métaphysique, de même il nomma métapsychique la science qui, dépassant les choses de la psychologie classique, étudie des faits qui "paraissent dus à des forces intelligentes inconnues", humaines ou non humaines, "en comprenant dans ces intelligences inconnues les étonnants phénomènes intellectuels de nos inconsciences". Bref, la métapsychique est, dit-il : "La seule science qui etudie des forces intelligentes". Doù résulte logiquement sa distinction entre la métapsychique objective qui "mentionne, classe, analyse certains phénomènes extérieurs perceptibles à nos sens, mécaniques, physiques ou chimiques, qui ne relèvent pas des forces actuellement connues et qui paraissent avoir un caractère intelligent", et la métapsychique subjective qui étudie des phénomènes psychiques non matériels tels que la lucidité, cette mystérieuse faculté de connaissance quil attribue à une sensibilité dont la nature nous échappe et quil propose dappeler cryptesthésie. Ces deux aspects, objectif qui étudie des forces et subjectif qui étudie des phénomènes psychiques, se retrouvent dans la définition générale que Charles Richet donne de la métapsychique : "La science qui a pour objet des phénomènes, mécaniques ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes ou à des puissances inconnues latentes dans lintelligence humaine ". Aujourd'hui le terme de métapsychique est a peu près synonyme de celui de parapsychologie..
Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, historien médiéviste. Ses recherches portent sur l’histoire intellectuelle médiévale, du XIIe au XIVe siècle, avec un intérêt prononcé pour le mouvement franciscain et ses formes dissidentes, les extatiques et le prophétisme. Il a aussi mené une histoire critique de la pensée économique dans la très longue durée.
Ouvrages récents : Christine l’Admirable. Vie, chants et merveilles, Bruxelles, Vues de l’esprit, 2021 ; Généalogie de la morale économique, Bruxelles, Zones sensibles, 2020 ; L’Occupation du monde, Bruxelles, Zones sensibles, 2018 ; Dialectique du monstre. Enquête sur Opicino de Canistris, Bruxelles, Zones sensibles, 2015.
Présentation de l’éditeur :
https://www.vuesdelesprit.org/publication/christine-l-admirable/
Traduction de la « Vie de Christine l’Admirable », rédigée par Thomas de Cantimpré en 1232, qui résume la vie de la sainte :
Vie de Christine l’Admirable (diffusion IMI)
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