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Approche psychanalytique de la médiumnité

Approche psychanalytique de la médiumnité

par Geoffrey Spriet, psychologue clinicien, membre de GEIMI

Ce mémoire universitaire fut rédigé dans le cadre du Master 1 de Psychologie clinique à Paris 8. Inspiré des travaux traitant la question de la médiumnité et de la voyance selon une approche psychanalytique (Maleval 2000, Juranville 2000), sa problématique était de saisir en quoi les manifestations médiumniques (visions et hallucinations des médiums durant leurs « transes ») pouvaient se rapprocher des symptômes hallucinatoires repérables dans la pathologie de certaines maladies mentales.


Une approche historique nous a montré que l’abandon progressif de toute référence religieuse dans l’appréhension de ces manifestations ont amené les aliénistes de l’ère positiviste à considérer les médiums comme des sujets souffrant de maladie mentale. Ce qui est encore le cas de nos jours, bien qu’on observe qu’ils jouissent d’une certaine forme d' »adaptation sociale ».
Je me suis appuyé sur le point de vue du psychanalyste lacanien Jean-Claude Maleval (Logique du délire, 1997), qui me semblait le plus moderne. Cet auteur avait opéré une discrimination nette entre des manifestations psychotiques et tout son cortège de signes telles que la certitude, la mort du sujet… (comme celles du Président Schreber) et des manifestations de type névrotiques. A ce sujet, il prend l’exemple d’Hélène Smith, qui prétendait avoir établi une communication avec des entités martiennes et en retranscrivait la langue. Théodore Flournoy lui a consacré une étude encore lue de nos jours : Des Indes à la planète Mars.

Il fut conclu suite à une série d’entretiens auprès de 6 médiums que leurs manifestations relevaient de manifestations névrotiques plutôt que psychotiques. La médiumnité ne peut donc être rapprochée de la classique schizophrénie et de l’automatisme mental décrits par de Clérambault.

J’en viens maintenant à l’aspect critique de ce mémoire. L’aspect méthodologique fut l’objet de critiques pertinentes de la part du psychologue Renaud Evrard [[Communication personnelle de Renaud Evrard: « L’hypothèse que les médiums sont des psychotiques plus ou moins stabilisés (paraphrènes) justifie l’enquête sur le terrain et non dans un cadre de soin. On regrette cependant, comme l’auteur le remarque, que la population qui ait répondu aux entretiens semi-directifs ne soit pas plus importante et provienne d’un même milieu. Son apparente homogénéité (les médiums obtiennent EXACTEMENT les mêmes résultats au questionnaire) remet en doute la sélection de l’échantillon et la capacité du questionnaire à distinguer des différences, alors que l’auteur suppose tout de même l’existence de médiums psychotiques. Cela peut également être dû à un biais de jugement, car le seul juge des entretiens est l’auteur du mémoire qui en infirmant toutes ses hypothèses semble affirmer tous ses présupposés. Il aurait pu « former » des psychologues à différencier délirium névrotique et délire psychotique sur la base des critères énoncés par Maleval. En envoyant seulement les entretiens dactylographiés, plusieurs jugements indépendants auraient pu être fait, améliorant ainsi la fiabilité des jugements. »]]. Les miennes reviendront sur les fondements de ma démarche.

Les perceptions des médiums sont plutôt de nature névrotique que psychotique ? Et après ?

Bien que les auteurs d’obédience psychanalytique insistent sur le sens structural et non pathologique qu’il faut conférer à la notion de névrose et de psychose, on marche néanmoins sur la pente savonneuse de la dérive pathologisante, d’où il résulterait qu’une lecture trop hâtive pourrait réduire ces médiums à des névrosés qui s’ignorent, avec tout le discrédit et la dévalorisation que cela implique.

A moins d’intégrer une perspective où l’hallucination du médium n’est pas en soi un signe de pathologie, on est ici confronté à la limitation de la conception psychanalytique structurale névrose/psychose, qui « divise l’humanité en deux » selon l’expression de mon Président de Jury Alain Blanchet, conception qui devient dans ce cas précis impropre à rendre compte de la richesse culturelle de la médiumnité, elle-même fruit d’un long passé historique remontant aux somnambules et aux magnétiseurs (cf. Bertrand Meheust Somnambulisme et Médiumnité 1999). Ceci vaut pour bien d’autres cas : ainsi, le fait de faire de Ste Thérèse d’Avila une hystérique et de s’y arrêter nous renseigne-t-il sur la richesse de son expérience ? Sa relation à Dieu et au monde, son génie créateur, la philosophie qu’elle a élaborée ?

Dans un autre contexte, nos préoccupations auraient essentiellement porté sur l’aspect thérapeutique de la médiumnité et sur la manière dont le dispositif médiumnique permet aux patients de supporter la mort d’un proche, par exemple, en intégrant une temporalité plus élargie qui inclurait la possibilité d’une survie dans l’Au-delà. Ainsi dans son ouvrage intitulé Les Héros de la Guérison (2005), Christine Bergé nous explique comment la reconstruction de récits de vie impliquant les problématiques survenues lors de « vies antérieures » des patients permet à ces derniers de conférer un sens à leurs souffrances actuelles et de les guérir par des procédés faisant appel au channelling.

Malgré ma tendance actuelle à relativiser mon propre travail, ce dernier n’en constitue pas moins l’une des quelques contributions de la théorie psychanalytique à la compréhension des facultés médiumniques, contribution rendue possible grâce à la fine distinction clinique établie par Jean-Claude Maleval entre névrose et psychose.