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A propos du documentaire « La science face au paranormal »

A propos du documentaire « La science face au paranormal »

Le documentaire de Marie-Monique Robin, La science face au paranormal, diffusé le lundi 19 janvier 2004 à 23h20 sur Canal+, a bénéficié de plusieurs présentations prudemment positives dans les colonnes des principaux quotidiens français. Télérama a estimé « qu’on a souvent tort de rejeter en bloc ce que l’on ne comprend pas », le Figaro a parlé d’une « enquête perninente et fouillée », le Monde enfin a considéré que « sans chercher à convaincre à tout prix – les sceptiques penseront toujours que l’on parle ici de charlatanisme, les convaincus que le paranormal existe – cette enquête s’attache surtout à l’étude des phénomènes observés quotidiennement par ces drôles de chercheurs » [[Le Monde Radio Télévision, édition du samedi 17 janvier, p.8]].

Seul le magazine Télé Obs affiche une attitude a priori hostile et adopte un discours pour le moins biaisé, dans un article intitulé La Pensée du poussin dont le chapô donne le ton : « Quand des scientifiques s’attaquent à l’étude des phénomènes paranormaux. Un document qui prête surtout à sourire. » Cet article mettant en cause le sérieux des expériences présentées, Marie-Monique Robin, réalisatrice de ce documentaire, a envoyé à la rédaction de Télé Obs une demande de droit de réponse. Nous le reproduisons ci-dessous.


De: marie monique robin

Date: Ven 16 jan 2004 09:35:46 Europe/Paris

À: courrier@teleobs.com

Objet: demande de droit de réponse

Cher Jacques Guérin,

J’ai lu avec beaucoup d’attention l’article que vous avez consacré à mon film « La science face au paranormal », diffusé lundi 19 janvier sur Canal+ . Et je m’interroge: soit, vous n’avez pas vu le film ou mal, ce qui expliquerait le nombre d’erreurs et de contre-vérités que j’ai pu dénombrer dans votre article; soit, vous l’avez vraiment vu, et dans ce cas vous faites preuve d’une mauvaise foi patente. Je ne m’étendrai pas sur le ton méprisant avec lequel vous traitez les personnages du film: Norman Don qui « pratique l’électroencéphalogramme dans sa salle à manger » (?); « Maud Kristen, affublée d’un élégant bonnet de bain rouge »; « Robert Gamel, qui a abandonné son ancien métier du bâtiment », « René Peoc’h, l’étonnant docteur », etc. J’avoue qu’une telle décharge de fiel me laisse perplexe… Pour ma part, je me tiens avec rigueur à un principe moral et déontologique: ne peuvent être méprisés que ceux qui ont de véritables raisons de l’être, comme les tortionnaires et les dictateurs, pour évoquer l’un de mes films récents (« Escadrons de la mort: l’école française »), et il m’avait semblé que c’était une valeur fondamentale du journalisme également partagée par l’Obs…

Je m’en tiendrai à votre encadré savant sur la « rigueur scientifique »:

– Neutralité des observateurs : En quoi l’expérience menée par l’ancien directeur de la chaire de neurologie de l’université de Chicago ne présente-t-elle pas les conditions de neutralité requise ? Norman Don et Maud Kristen se sont vus et parlé pour la première fois, quand ils se sont rencontrés dans le laboratoire du chercheur (qui n’est pas sa « salle à manger »…) Les enveloppes de l’expérience ont été préparées par des assistants du professeur, qui n’étaient pas présents le jour de l’expérience. Même chose à l’Université d’Edimbourg, où, comme je l’explique, le Pr. Caroline Watt conduit l’expérience en aveugle, sans contact avec le sujet et sans connaître la cible, sélectionnée de manière aléatoire par l’ordinateur dans une banque de cent vidéoclips. Quant à l’expérience de l’hôpital Saint Antoine, vous oubliez curieusement d’expliquer pourquoi elle a capoté: s’il n’y a eu que « quatre patients magnétisés », c’est justement parce que les autres voulaient être sûrs d’être traités par Robert Gamel (la sclérodermie est une maladie orpheline mortelle, que la médecine ne sait pas soigner)), d’où l’impossibilité justement de mener l’expérience en double aveugle…

– Caractère reproductible des expérimentations et tests pratiqués sur des échantillons suffisamment représentatifs : Deux extraits de mon film sont la preuve que cette préoccupation est très précisément abordée:

30mn52sec : QUESTION: Est-ce que c’est la preuve que Maud est un sujet psi?

30mn55sec : SONORE Caroline Watts: « Non, malheureusement ce n’est pas une preuve que Maud a des capacités psi! D’un simple point de vue statistique, elle avait une chance sur quatre de choisir la bonne cible. Nous ne pouvons rien conclure en une seule session. Dans ce cas ce qui est intéressant, c’est que Maud a aussi vu les leurres, mais pour convaincre des scientifiques et le monde extérieur à la parapsychologie qu’il s’agit bien d’un véritable phénomène, il faudrait conduire un grand nombre d’expériences. »

33mn45sec : commentaire : « Pour cette expérience, il a fallu développer un logiciel spécial qui, à terme, sera testé par plusieurs centaines de volontaires. La science est à ce prix. »

Bien évidemment, si la production l’avait permis, j’aurais aimé filmer pendant un an les 700 tests prévus par le protocole établi par la chaire de parapsychologie d’Edimbourg… Mais, de toute façon, comme je le dis clairement dans le commentaire de présentation du film, mon propos n’est pas de prouver l’existence des « capacités psi », mais de montrer comment les scientifiques travaillent sur ces objets d’investigation et quels outils ils développent pour mener leurs travaux. A ce sujet, je vous rappelle que l’Association de parapsychologie fait partie, depuis 1969, de l’American Association for the Advancement of Science, qui coiffe tout l’establishment scientifique aux Etats Unis, et qui publie la revue de référence Science.

– Fiabilité des mesures effectuées : No comment, sauf à supposer que les mesures effectuées par les différents chercheurs du film sont bidonnées, et que par exemple, le jury du Collège de France qui a remis son doctorat de Médecine au Dr. Péoc’h n’a pas su évaluer la rigueur des études qu’il a menées…

Je trouve tout cela finalement fort affligeant, et ne peux que vous inviter à lire mon livre « Science et paranormal », que j’ai publié aux Editions du Chêne, et dont Science et vie, repaire bien connu de farfelus, disait « un fascinant périple qui invite à transcender la séparation opérée par la pensée occidentale entre matière et esprit » (Numéro 1025, février 2003). En attendant, estimant que votre article déforme le contenu de mon film et met en doute ma rigueur professionnelle, je vous demande la publication d’ un droit de réponse dans les conditions et délais prévus par les textes.

Confraternellement,

Marie-Monique Robin